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12 décembre 2012 3 12 /12 /décembre /2012 12:12

Écrire l’Histoire avec des « si »… que voilà un passionnant exercice pour un historien. Ce genre de « jeu » pourrait être fait dans les classes de collège et de lycée, tout comme les situations-problème et les jeux de rôle. Certes, ça demande du temps et de la préparation, mais cela est susceptible d’intéresser plus d’élèves à la discipline. Sur un plan plus scientifique, il n’est pas inutile de se pencher sur ce genre « littéraire » qui nous viens d’Angleterre, sous sa forme actuelle. L’uchronie désigne « l’histoire faite par la pensée ». C’est une sorte d’histoire utopique. Le mot aurait été forgé par Charles Renouvier au XIXe siècle, qui écrit Uchronie. Utopie dans l'Histoire (1857). Finalement, il s’agit de regarder un événement « tel qu’il n’a pas été » et « tel qu’il aurait pu être ». C’est un questionnement de philosophe, voir de métaphysicien, ce qu’était Renouvier.

 

Charles Renouvier : l'Histoire utopique.

 

Dans cet article, intéressons-nous, pour commencer, au livre de Renouvier pour bien comprendre la genèse de l’uchronie. De manière assez classique, l’auteur, qui publie son livre en 1857 (réédité en 1876) essaie de comprendre ce qu’aurait pu être la civilisation européenne si les choses c’étaient passées différemment dès l’Antiquité. Le livre, qui s’inspire des livres de voyages à la mode au XVIIe siècle, commence par une lettre qu’un écrivain écrit à ses enfants pour leur léguer un manuscrit, lequel contient l’uchronie. Précisons d’emblée que, contrairement à certains récit de voyages, Renouvier n’essaie pas de tromper le lecteur. Son texte a une vertu pédagogique certaine en amenant son lecteur à réfléchir sur la construction de l’histoire et sur la succession des événements.

 

L’intérêt pédagogique est ce qui m’a intéressé au premier abord. Parler de ce livre en classe de philosophie – dont Renouvier est absent – ou en histoire, cela pourrait permettre de montrer aux élèves qu’il n’y a pas une seule construction de l’histoire possible, tout en leur précisant que l’uchronie ce n’est pas de l’histoire au sens scientifique de la discipline, mais qu’elle permet de saisir les enjeux d’un événements en s’interrogeant sur les raisons qui ont poussé les acteurs à prendre telle ou telle décision plutôt qu’une autre. L’idée est aussi de rester réaliste, c’est-à-dire avancer des hypothèses qui auraient été envisageable et faisable à l’époque. Un très beau livre de Patrice Pusateri, architecte-urbaniste de l’État, a écrit une fiction architecturale, Les obélisques de faïence (2009), dans lequel il montre que Rouen (en Seine-Maritime) aurait pu devenir capitale de la France à l’époque d’Henri IV. Très documenté, avec des textes historiquement incontestable, il suit cette idée de la ville au cent clochers devenue capitale du royaume. C’est passionnant à lire.

 

De manière littéraire, assez classiquement dirais-je, Renouvier entoure son récit de mystère. Le père du narrateur, sans doute écrivain du manuscrit, est un homme décrit comme solitaire, petit bourgeois sans grandes amitiés. Je ne raconterais point le livre car son contenu est sans intérêt réel pour la suite de mon propos (mais je vous engage à le faire car c’est facile à lire). Au XIXe siècle, il n’est point difficile de montrer que « refaire » ou « revivre » l’histoire est une sorte de fantasme. Jules Michelet est le premier touché par cette histoire très documentée, mais romancée et animée. Certes, il ne fait pas d’uchronie, même s’il « invente » parfois des dialogues. Le grand professeur peut apparaître comme prétentieux lorsqu’il se place au-dessus des autres historiens de son temps : « Dans mon enseignement, j’avais mis ce que nul homme vivant n’y mit au même degré. » (Les Jésuites, 1843) Bref, il a une haute estime de lui-même.

 

Jules Michelet : une Histoire uchronique ?

 

En tout cas, Michelet n’a pas tort, lorsqu’il affirme que « d’autres enseignaient leurs brillants résultats, moi mon étude elle-même, ma méthode et mes moyens » (idem). C’est ce qu’il est demandé aux professeurs du Collège de France aujourd’hui. Présenter leurs recherches et leurs méthodes. Toujours dans le même texte, il ajoute, conséquence de sa vision de l’histoire, que « c’est le haut caractère de la vraie science, d’être art et création, de renouveler toujours, de ne point croire à la mort, de n’abandonner jamais ce qui vécut une fois, mais de le reconstituer et de le replacer dans la vie qui ne passe plus. »

 

Maintenant, prenons la même phrase et considérons-là comme la définition de l’uchronie donnée par Michelet, même si le mot n’existait pas encore, ce qui rend plus piquant encore l’intuition du professeur : « [L’uchronie], c’est le haut caractère de la vraie science, d’être art et création, de renouveler toujours, de ne point croire à la mort, de n’abandonner jamais ce qui vécut une fois, mais de le reconstituer et de le replacer dans la vie qui ne passe plus. »

 

Cela peut paraître hasardeux et bancal, mais Michelet avait un esprit en éveil et s’interrogeait beaucoup sur la pratique de l’histoire, sur sa conception et son enseignement. En cela, je me reconnais dans cette vision « littéraire » d’une science que Michelet voulait populaire. Il y a dans son oeuvre tous les éléments de base nécessaire à une bonne uchronie : le sérieux documentaire et scientifique, la touche poétique et littéraire, qu’il assume pleinement, et la volonté de reconstituer et de redonner une « âme » à l’histoire.

 

Jean-Claude Casanova : penser l'uchronie au XXIe siècle.

 

En 2005, Jean-Claude Casanova, dans une séance de l’Académie des sciences morales et politiques, parle de l’uchronie : « Si l’on réfléchit sur les exemples que je viens de citer, on constate que l’attitude uchronique correspond à trois types principaux. Il y a les penseurs qui veulent absolument introduire dans l’histoire humaine des événements naturels. Il y a ceux qui veulent insister sur la disproportion entre les petites causes et les grands effets. Il y a enfin ceux qui veulent insister sur le rôle particulièrement important des grands hommes. »

 

Ajoutons, avec Casanova :

 

« On constate également que l’uchronie, comme sujet de conversation, ne plaît ni aux historiens ni aux étudiants. J’ai toujours aimé l’uchronie et je l’ai toujours pratiquée, comme je l’avais apprise de mon maître Raymond Aron, mais je sais qu’en procédant ainsi j’ai toujours suscité, aussi bien chez mes collègues historiens que chez mes étudiants, la plus grande irritation. Cette irritation est parfaitement compréhensible si l’on se souvient du texte de Tocqueville dans lequel il explique que, dans les âges démocratiques, les hommes préfèrent une conception de l’histoire dans laquelle on insiste sur la nécessité à une conception mettant en valeur la liberté. Il y a en effet dans l’interprétation uchronique toute une série de choses qui suscitent l’agacement. »

 

Je suis étudiant et j’avoue que l’uchronie est une démarche plaisante. Pour revenir sur un débat avec un ami sur la bataille de Trafalgar, que ce serait-il passé si Villeneuve n’était pas sorti de Cadix ? La flotte franco-espagnole était supérieure en nombre, mais Nelson était meilleur marin et stratège que Villeneuve. Si la flotte française était restée intacte, le blocus continental n’aurait peut-être pas échoué, Napoléon ayant les moyens maritimes pour intercepter les navires forçant le blocus. Dès lors, l’Angleterre aurait peut-être cherché à faire la paix ou aurait été contrainte de se résigner. Car la perte des colonies par la France à cette époque, est due à l’absence de politique maritime sérieuse par Napoléon. S’il avait l’intuition et la certitude que la mer et les colonies étaient un atout, il aurait mobilisé les moyens nécessaires à cette fin.

 

Pour revenir à l’agacement suscité par l’uchronie, Casanova nous dit :

 

« D’abord, on dévalorise le réel et le nécessaire puisque, en expliquant que les choses auraient pu être différentes, on remet en question ce qui s’est effectivement passé. Ensuite, on exalte les possibles, ce qui plaît aux chimériques, mais déplaît à ceux qui ne le sont pas. On exalte le hasard, ce qui déplaît fortement à ceux qui ne sont ni sceptiques ni aventureux. On favorise la polémique, ce qui déplaît fortement à ceux qui ont une opinion différente de celle présentée à travers l’uchronie. »

 

Donc, quatre points : l’uchronie est irréelle et « ne sert à rien », elle est exaltante, hasardeuse et polémique. « Enfin, ajoute Casanova, il faut bien reconnaître que l’uchronie est utilisée comme artifice compensatoire : on refait une histoire différente de celle que l’on aime pas. » Sur ce point je ne suis pas d’accord. La vertu pédagogique du genre n’a pour objet de remplacer l’histoire scientifique, mais elle a pour but de permettre de percevoir les enjeux et les raisons d’un choix car, sans être psychanalyste, il est évident qu’on ne fait jamais un choix au hasard, et si c’est le cas il faut se demander si c’est vraiment du hasard. Finalement, j’aurais pu faire un autre choix en m’inscrivant à la fac. J’ai choisi l’histoire, parce que je veux faire de l’histoire depuis tout petit, mais j’ai choisi sociologie avec, alors que je pouvais choisir géographie. J’ai hésité et j’ai fais mon choix, certainement liée à mon histoire personnelle, aux rapports difficiles avec mes parents, à cette volonté inassouvie de comprendre le monde qui m’entoure et la société dans laquelle j’évolue. Nos choix ne sont pas dictés par une force supérieure, mais le libre-arbitre a une place importante dans les sociétés prétendument démocratiques de l’Europe du XXIe siècle.

 

L'uchronie, pour une utilisation pédagogique.

 

Pour revenir à ce que je disais au début, l’uchronie a une autre vertu. Les adolescents, en général, n’aiment pas être identifié à quelque chose. Or, les cours d’histoire sont ennuyeux pour eux car ce sont des vérités toutes faites que le professeur explique être des réalités qu’on apprend dans les documents. Seulement, il est rarement montré aux élèves que plusieurs interprétations d’un même document sont possible, et cela en fonction de l’axe de recherche, de la problématique que l’on cherche à résoudre, etc. Pour se rendre compte de la grande force de l’uchronie, il suffit de plonger dans l’imaginaire des enfants. Je jouais moi-même à la Révolution française, imaginant Louis XVI réussissant sa fuite, et donc tout faire pour éviter l’invasion de la France par les alliés. Rejouant les batailles de Napoléon, je changeais parfois le cour des choses. En fait, les enfants se prennent parfois au jeu de leur imaginaire, se croyant vraiment le personnage incarné et se coupent, du même coup, de la « réalité ».

 

Rien de grave à cela, mais l’uchronie n’est pas si inaccessible que ça à des collégiens, qui peuvent parfois être encore dans cet esprit enfantin, tout en le niant la plupart du temps car ils veulent être comme les adultes. Quant aux plus grands, ils verront dans l’uchronie un exercice d’imagination qui leur permet de donner leur avis et ils s’identifieront alors a un personnage choisi et cela leur donnera l’impression d’écrire l’histoire « tel quel aurait pu avoir lieu », laissant ouvert le champ des possibles. Cela leur permet alors de se projeter, de se dire qu’un choix n’est pas nécessairement rationnel, que l’histoire peut-être un concours de circonstances. De fait, les élèves font oeuvre d’historiens en pratiquant l’uchronie bien plus qu’en écoutant sagement un professeur raconter des faits sans intérêts (pour eux) puisqu’ils peuvent trouver tout ça sur Internet. L’histoire paraît souvent convenue, parfois – et non sans raisons – il s’agit d’un choix délibéré de l’Éducation nationale.

 

Je n’ai aucun souvenirs de l’histoire en 5e. Je n’ai rien retenu, alors que j’ai des souvenirs du programme de 6e, avec les Égyptiens, de celui de 4e avec la Révolution, et un professeur que j’aimais beaucoup, et de celui de 3e ou j’ai eu mes meilleures notes de ma scolarité en histoire (si l’on excepte la classe de seconde). J’ai cumulé à 17 de moyenne. M. Jolivet, notre professeur, dans mon souvenir, nous racontait des anecdotes de sa vie, mais des faits choisis – pas comme le prof psychologiquement atteint qui tartine et se lamente – afin de nous rendre attentif (car à cet âge là il est plaisant que le prof parle de lui, comme ça on a de quoi ragoter !). Ensuite, il embrayait sur le cours, toujours en incluant une part d’humanité dans l’histoire. L’effet escompté était de faire s’identifier l’élève aux personnages… et ça marchait en partie.

 

L’idée d’une pédagogie de l’histoire par l’uchronie ambitionne de créer cette identification des élèves aux personnages. Bien sûr, les intellectuels biens-pensant de gauche crieraient au scandale, affirmant que c’est un retour à l’enseignement des grands hommes et de l’histoire nationaliste de la IIIe république. Il faut admettre qu’ils n’auraient pas tort, seulement, cette idée n’est pas réactionnaire du tout puisque les questionnements historiques seraient très actuels. Il est possible de faire de l’histoire économique avec l’uchronie, en parlant de la Crise de 29 ou de celle de 2008 (auraient-elles pu être évitée par exemple ? Que serait-il arrivée si cela avait été le cas ?). De même, parler du rôle de la peste noire lors de la Guerre de Cent Ans peut se faire par l’uchronie. Si elle n’avait pas eu lieu, comment le système féodal se serait-il adapté (ce qui permet de parler des limites de ce système sans être trop ennuyeux) ? Il y a plein de possibilité, et c’est cela qui rend l’uchronie passionnante et utilisable en pédagogie, même s’il faut faire attention à ne pas mélanger le réel et l’irréel, a bien expliquer aux élèves comment les choses se sont passé et pourquoi, tout en montrant que, si certains facteurs avaient été absent a tel moment, si tel personnage avait pris une décision différente, il aurait pu changer le cours de l’histoire.

 

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28 octobre 2012 7 28 /10 /octobre /2012 18:41

Pour comprendre l’importance du Ve siècle sur le plan politique, il faut remonter au IIIe. À cette époque s’instaure la Tétrarchie. L’Empire est gouvernée par plusieurs empereurs, c’est-à-dire deux Augustes et deux Césars. Deux Augustes : l’un régnant en Occident, l’autre en Orient avec pour capitale Constantinople, fondée par Constantin le Grand. Au début du IVe siècle, l’empire connaît une mutation religieuse. Constantin se fait baptiser sur son lit de mort, ou avant, tous les historiens ne sont pas d’accord là-dessus, mais le plus important c’est qu’en 313, avec l’Édit de Milan, les Chrétiens obtiennent le droit de culte. Au IVe siècle, les questionnements théologiques donneront naissance à de nombreuses hérésies. Avec l’arrivée des peuples venus de l’Est, apparaîtra une hérésie particulièrement répandue, l’arianisme. Elle attire les populations germaniques qui interprètent la Trinité comme étant constituée de plusieurs dieux. Du point de vue des chrétiens c’est scandaleux.

 

La division impériale de 395

 

À la fin du IVe siècle, à la mort de Théodose le Grand, en janvier 395, nous assistons à quelque chose qui n’est pas inédit en soit. Théodose partage son Empire entre ses fils. Honorius obtenant l’Occident et Arcadius obtenant l’Orient. Seulement, les deux fils n’ont pas l’âge de régner et ils paraissent inexpérimentés. Théodose nomme comme régent des deux empires le général en chef des armées, Stilicon, fils d’un Vandale, c’est-à-dire appartenant à un peuple « barbare ». Stilicon est marié à la nièce de l’empereur, Serena, et donc appartient à la famille impériale. Mais il va faire une erreur. Il croit possible de régenter les deux parties de l’Empire et il refuse d’aller imposer son autorité en Orient.

 

Cette négligence de Stilicon va permettre à Rufin, originaire de Gaule, d’imposer ses vues à l’empereur Arcadius. Il va tout faire pour éviter que Stilicon mette son nez dans les affaires de l’Orient. Il va échouer puisque Eutrope, un eunuque, ancien esclave venu de Roumanie, va comploter avec Gaïnas, chef de l’armée impériale, et réussit à faire assassiner Rufin à l’automne de l’année 395. Stilicon va tenter de reprendre l’Orient en lançant des offensives militaires qui se heurtent aux troupes de Gaïnas ou d’Alaric. Eutrope est un personnage peu loyal, qui va se débarasser des personnalités les plus influentes à la cour afin d’avoir le champ libre pour imposer ses vues à l’empereur. Il parvient même, en 399, à se faire nommer consul. La même année, à la suite d’intrigues de palais, il sera finalement chassé de la cour par l’impératrice Eudoxie.

 

En 396, le comte d’Afrique du Nord se révolte contre l’Empire romain d’Occident. Il sera considéré comme ennemi public et sera vaincu par une armée romaine. C’est dans ce contexte là que l’empire romain d’Occident entre dans un Ve siècle très difficile pour Rome puisque Stilicon va être obligé de combattre sur plusieurs fronts. En 401, Alaric, roi wisigoth et général romain, met à feu et à sang l’Italie avant d’être battu en 402 par Stilicon. Alaric retourne prudemment d’où il vient. En 406, Radagaise, un chef militaire gothique, s’enfonce en Italie par le Nord. Ravenne, nouvelle capitale impériale depuis 402, est une cité entourée de marécages, considéré comme imprenable. En effet, elle ne sera jamais prise. Radagaise est battu et Stilicon, pour faire un exemple, va faire massacrer tous les prisonniers. Stilicon a été obligé de dégarnir la frontière du Rhin pour défendre l’Italie. Le limes gaulois est donc vulnérable. D’ailleurs, peu après l’incursion de Radagaise, des Suèves et des Vandales vont franchir le Rhin gelé le 31 décembre 406. C’est un épisode très célèbre.

 

L’incursion des Suèves et des Vandales

 

Ces peuples vont déferler sur la Gaule. Stilicon est dans l’impossibilité de réagir face à cette incursion d’autant que, dans le même temps, en 407, la Bretagne, c’est-à-dire l’île de Bretagne, la Grande-Bretagne actuelle, fait sécession. Un général qui s’appelle Constantin va débarquer en Gaule et va installer sa capitale à Arles. C’est la première usurpation de la pourpre impériale du Ve siècle. Constantin se fait proclamer empereur par son armée, mais il ne va pas non plus réussir à stopper les Suèves et les Vandales qui vont pénétrer en Espagne. À partir de Carthagène, plus de 80 000 Vandales (chiffre certainement exagéré), dirigés par Genséric, vont traverser le détroit de Gibraltar. Ils vont déferler sur l’Afrique, rendant célèbre la mort d’Augustin, l’évêque d’Hippone, mort au cours du siège de la ville.

 

À Ravenne l’invasion de la Gaule est un « choc » et elle sera mise sur le compte de Stilicon. Le Sénat, hostile à ce « barbare » par trop influent, lui reprochera des sympathies envers les vandales. Certains sénateurs vont même l’accuser de les avoir laisser passer volontairement. C’est une accusation grave : celle de trahison. L’habileté des gens de cour pour les intrigues, motivés qu’ils sont par leur volonté de garder le pouvoir, va permettre de persuader l’empereur Honorius que Stilicon doit mourir. Il accepte tacitement l’assassinat de son meilleur stratège. Il ne réagira donc pas lorsque, à Ravenne, Stilicon et son fils, ainsi que ses gardes particuliers, seront poursuivis dans la ville pour être massacrés. Stilicon sera égorgé à l’intérieur d’une église. Nous sommes en 408 et cet événement provoque une « rupture » bien plus importante que celle de 395.

 

En 410, le pillage de Rome par les troupes du patrice romain Alaric provoquera des débats extrêmement important entre les chrétiens et les païens. La religion officielle romaine était encore très importante et il faut savoir qu’à cette époque-là les chrétiens cherchent une légitimité. Pour eux, évidemment, le pillage de Rome signifie l’abandon de l’Empire païen par les dieux romains et c’est un juste retour des choses. Les païens rétorqueront logiquement que le dieu des chrétiens n’a rien fait pour sauver Rome. Cette querelle lancera un profond débat religieux à cette époque là.

 

Un précaire retour à l’ordre

 

Après la mort de Stilicon, il y a comme un vide et il faut trouver des solutions pour mettre fin aux troubles en Gaule et en Italie. Alaric meurt peu après le pillage de Rome, sans doute vers 412, et il est remplacé par des généraux qui ne seront pas à la hauteur.

 

Arrive en Gaule le général Constance qui, avec l’accord d’Honorius, va donner aux Wisigoths, non pas une terre dévastée, délabrée ou rien ne pousse, mais il va leur donner l’Aquitaine, qui est, du point de vue stratégique, un des rares passage vers l’Espagne, et c’est une terre fertile. Ils vont donner ce territoire aux successeurs d’Alaric, mais avec des contre parties, c’est-à-dire que les Wisigoths doivent se fédérer à l’empire et donc doivent mettre leur troupes à disposition des Romains. Ils s’acquitteront très bien de cette tâche. Les rois Théodoric Ier et Théodoric II seront directement impliqués dans les affaires de l’Empire. En 421, Constance, qui avait été nommé empereur sous le nom de Constance III par Honorius III, meurt de maladie alors qu’il s’apprêtait à partir en guerre contre l’Empire d’Orient. La mort de Constance est dramatique pour l’Empire. Une paix fragile subsiste quelques temps, mais Honorius III meurt sans héritier en 423. Sa mort va précipiter l’Empire dans une nouvelle période d’anarchie.

 

Le Sénat décide de reprendre les choses en mains. Les sénateurs nomment empereur l’un des leurs, Jean. Il n’est pas reconnu par l’Empire d’Orient. Théodose II se considère comme le seul empereur légitime de l’empire. Cependant, Constance III a eut, avec Galla Placidia, un fils, Valentinien. Ce dernier est donc le neveu d’Honorius et sa mère compte bien tout faire pour que son fils accède au pouvoir. Elle va réussir à convaincre Théodose d’envoyer des troupes en Italie. Elles débarquent à Ravenne et chassent l’empereur Jean qui est finalement arrêté devant les portes de Rome. Portes de Rome que les sénateurs, soucieux de ne pas se compromettre davantage dans le fiasco, se sont empressées de fermer. Jean apparaît toutefois comme un personnage puissant, intelligent, mais qui n’a pas bénéficier du temps nécessaire pour constituer une armée capable de le défendre.

 

Dès sa nomination comme empereur, Jean a confié à Flavius Aetius, une autre personnalité qui comptera beaucoup par la suite, la mission d’aller recruter en Pannonie des mercenaires Huns. Les Huns – ils apparaissent à ce moment là en Occident – terrorisent à l’époque les habitants des campagnes. Ces excellents guerriers sont montés sur des petits chevaux et sont de très bons archers. D’ailleurs, Aetius, dans son enfance, a été un otage chez eux, et aussi chez les Wisigoths. Aetius est citoyen Romain, même s’il a des origines germaniques. Son père était maître de cavalerie, ce qui était un rang très élevé dans la hiérarchie militaire. C’était un très bon soldat. Aetius va s’entraîner aux arts de la guerre chez les Huns. Nous savons qu’il était très endurant et les chroniqueurs racontent même qu’il dormait peu. Il va se passer quelque chose d’assez inhabituel, c’est-à-dire que Aetius va recruter des mercenaires, il va bien y arriver, seulement il va arriver trop tard, c’est-à-dire que lorsqu’il revient en Italie, Jean a été tué par Aspar de manière très cruelle puisqu’on lui coupera la main droite et il sera torturé, décapité… bref, c’est un supplice cruel.

 

Aetius s’impose en Gaule

 

Aetius va se dire : « qu’est-ce que je fais ? Est-ce que je décide de venger l’honneur de Jean ou alors est-ce que j’essaie de me repentir en mettant mon armée au service de l’empereur ? » Il choisit la deuxième solution et, d’ailleurs, il apparaît en position de force. Galla Placidia n’a pas les moyens de lutter contre les 20 000 hommes que ramènent Aetius. De son côté, Aetius, même en combattant les armées impériales sait qu’il remporterait les premiers combats, mais très vite il devrait faire face à l’armée d’Orient, ce dont il n’a aucune envie. Après avoir opportunément apporté son soutien à l’empereur, il accepte le poste de patrice des Gaules que lui confie Galla Placidia pour l’écarter d’Italie. Les deux personnages se détestent. Galla Placidia redoute Aetius, réputé être un très bon général, mais aussi un très habile homme politique dont il faut se débarasser le plus tôt possible. Pour provoquer Aetius, elle va faire nommer par son fils un second patrice des Gaules, Boniface. Or, Boniface vient de s’illustrer au siège de Marseille au cours duquel il a résisté aux Wisigoths. Il va très bien remplir sa mission et s’en prend à Aetius, alors en Italie. Il remporte la bataille, mais il est gravement blessé et mourra peu après. Quant à Aetius, il repartira du côté des Huns afin de reformer une armée. Il revient en Gaule et écrase l’armée du fils de Boniface. Cela lui permet de faire pression sur Galla Placidia qui n’a plus d’autre choix que de reconnaître Flavius Aetius. Celui-ci sera même nommé consul, sans doute pour l’amadouer.

 

En Gaule, Aetius mène une politique extrêmement intéressante. Il va privilégier la politique de l’entente cordiale avec les Wisigoths d’Aquitaine. De manière générale, il tente de s’allier avec les peuples frontaliers de l’Empire, c’est-à-dire les Burgondes et les Francs principalement. À Worms, il laissera même les Huns ravager le turbulent royaume des Burgondes afin d’anticiper toute velléités de ce côté. Aetius va se constituer un domaine privée, avec une clientèle et des fidélités « barbares ». Ces derniers voyaient Flavius Aetius comme un nouveau Jupiter. Les Francs eux-mêmes laissaient entendre cela dans leurs chants. Pour eux, c’était un interlocuteur, un « ami des barbares » en quelque sorte.

 

La fin des Théodosiens en Occident

 

Aetius fait de l’ombre à l’empereur Valentinien qui va finir par s’en débarasser peu après l’invasion de la Gaule par les Huns.

 

Cette invasion aurait était déclenchée parce que la sœur de Valentinien aurait promis d’épouser Attila. Elle voulait se venger de son frère qui venait d’assassiner son prétendant. Attila réclame en dot la moitié de l’Empire d’Occident. Valentinien III, on peut s’en douter, refuse tout net et ne cherche même pas à négocier. Il semble toutefois avoir laissé la Gaule à la merci des Huns. Il va alors se produire un nouveau fait marquant. Théodoric Ier, roi des Wisigoths, va s’allier avec les Romains d’Aetius, plus des Gaulois, plus quelques autres peuples de la Gaule qui ont tout intérêt à lutter contre les Huns, et livre une bataille aux Campii Mauriacii. Les Huns sont battus par l’armée romano-wisigoth. Aetius, et cela lui sera reproché, laissera échapper Attila. Certains chroniqueurs affirmeront mêmes que Aetius et Attila se sont rencontrés le soir de la bataille, dans le camp même d’Attila. Aetius lui aurait promis de le laisser fuir avec son armée.

 

Par ce geste, certainement inventé de toute pièce, Aetius s’attira la jalousie et la haine de Valentinien. Aetius a commis la même erreur que Stilicon, c’est-à-dire qu’il savait son armée incapable de mener une guerre de conquête classique. Une guerre prolongée mènerait à la catastrophe, d’autant plus que les Wisigoths venaient de perdre leur chef, Théodoric et que les Francs se trouvaient divisés. De facto, Aetius se retrouvait avec des alliés fragilisés. Il ne pouvait compter que sur ses propres forces. Donc, il va laisser Attila ravager, en 452 et 453, le Nord de l’Italie. Attila mourra au terme de cette campagne, lors de sa nuit de noce. Cela donnera le prétexte à Valentinien III de tuer, de faire assassiner un rival qu’est Flavius Aetius. Pour l’attirer à la cour, il lui promet les honneurs militaires et même la main de sa fille pour son fils. Aetius, vieillissant, est un général quinquagénaire qui a des ambitions politiques plus affirmés que dans sa prime jeunesse. Peut-être rêve t-il d’obtenir la régence de l’empire par ce biais là ? Aetius arrive en 454 à la cour. Il est alors assassiné par des hommes de Valentinien III.

 

Conclusion

 

Un complot est fomenté par des sénateurs. Pétrone Maxime, un puissant personnage à la cour, intrigue en permettant à deux anciens gardes du corps de Flavius Aetius de venger leur maître. Valentinien est assassiné en 455, publiquement, transpercé par deux épées, tenues par deux anciens gardes du corps d’Aetius. À partir de là, l’Empire d’Occident connaîtra des périodes de troubles et des tentatives, par certains empereurs, pour réorganiser l’autorité impériale. Finalement, Odoacre déposera Romulus Augustule en 476, redonnant à l’Empire d’Orient la souveraineté sur l’Occident.

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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 17:49

 

« À la rentrée 2010 déjà, puis en 2011 jour pour jour, Dimitri Casali attaquait les nouveaux programmes d’histoire-géographie en prétendant que ceux-ci ne faisaient plus « aimer la France ». Relayée par certains médias complaisants au nom de la défense de l’« identité nationale », cette campagne avait d’abord pris la forme d’une pétition largement signée où se côtoyaient Max Gallo, Stéphane Bern, Frédérik Gersal et Eric Zemmour, avant de donner naissance à une page Facebook sous l’exergue : « Louis XIV, Napoléon, c'est notre Histoire, pas Songhaï ou Monomotapa ». » (CVUH, 27 août 2012).

 

Les critiques actuelles sur le contenu des programmes d'histoire au Collège et Lycée est une vaste blague. Les gens qui critiquent ne savent même pas ce que contiennent les programmes en question ou font mine de ne pas le savoir. Dimitri Casali en tête essaie de nous montrer que l'histoire qui fait l'apologie de la nation française, avec ses grands hommes et ses grandes dates a été passé à la poubelle. Déjà, je lui rétorquerais le plus sympathiquement du monde que l'histoire à la Lavisse a ses limites. Casali nous dis que Napoléon a rétabli l'esclavage en 1802 sous la pression des lobbyings bordelais et nantais. De plus nous dit-il, aucun pays n'a aboli l'esclavage avant la France. Faux ! Pour la Suède c'est 1792. Ajoutons qu'il cherche à nous faire de la pédagogie, parlant de « grammaire de l'histoire » en nous sortant un baratin qui est réellement incompréhensible. Le Figaro Magazinequi met Vercingétorix sur sa couverture, nous fait l'apologie de l'histoire nationaliste. Et dire de Napoléon qu'il n'était pas français est une grave erreur historique puisqu'il est né en 1769, peu après l'achat de la Corse par la France et donc il était sujet du roi, puis citoyen. Casali est sois-disant historien, mais sortir des bourdes pareil cela laisse réfléchir sur ce qu'on lui a appris à l'université. En gros, cet historien a largement dévié de ce que doit être un historien, c'est-à-dire quelqu'un apolitique en tant que professionnel. Mépriser autant l'histoire africaine, l'histoire des autres pays, est un peu choquant. Ouvrir les programmes à la « diversité » française, dirais-je, est une bonne chose.

 

Personnellement, si j'avais vu l'histoire de l'Afrique au Collège cela m'aurait bien plus. Ma famille est une « famille de souche » (pour utiliser les mots de Casali), qui est originaire de la campagne normande profonde. Pour autant, je me sens normand, autant que français et européen, voir même citoyen du monde. Il ne peut pas y avoir une histoire du chacun pour soi, mais l'homme a une histoire commune, une histoire connectée et il faut sortir un peu de son quant à soi. Casali nous sort qu'on ne peut plus dire que l'histoire de France est une belle histoire que l'on aime bien. J'ai pu critiquer les programmes parce qu'ils sont infaisables par les professeurs, mais je reste fier de l'histoire de France et j'aime bien les « grands hommes » chers à Hegel car ils font parti de l'histoire. Pour autant, je suis favorable a une ouverture vers une histoire plus sociale, plus économique et plus culturelle. Je me suis passionné pour la figure de Clovis, aujourd'hui largement méconnu et passé sous silence car ringarde pour beaucoup d'intellectuels. Or, les travaux sur la période mérovingienne sont nombreux et nous montre un visage bien plus intéressant que le discours convenu que Casali veut inculquer aux élèves. Il nous sort encore – au XXIe siècle – que l'histoire des Mérovingiens se résume aux règnes de Clovis et de Dagobert, avec la décadence des rois fainéants, etc. C'est complètement has-been. Ce sont des gens, ceux qui pensent encore l'histoire comme l'âge d'or des grands hommes et des hauts faits, qui n'ont aucune conscience de notre société, qui évolue en une société des interconnections, avec des enfants et des adolescents qui se fichent pas mal des « grands hommes ». Pour ma part, me parler de De Gaulle au Lycée m'énervait largement car, d'une part, je le trouvais complètement dictatorial, ensuite parce que j'aurais préféré avoir un cours sur mai 68, beaucoup plus fourni que ce que proposent les programmes, qui forcent les professeurs à faire un panorama de la Guerre Froide, noyant le poisson dans l'eau et rendant la période tout à fait ennuyeuse et complexe pour les élèves.

 

Dès lors, que Casali et Deutsch s'évertuent à nous présenter une histoire nationaliste et traditionaliste est très problématique, d'autant plus pour Casali, qui est un historien « professionnel ». Ce qui est encore plus grave, c'est que, non seulement ils se permettent de nous « embêter » avec leur baratin, mais en plus ils font des erreurs historiques grave et nous montre, avec force, que eux-mêmes ne sont jamais sorti de leur sympathique cocon dorée qu'est l'histoire franco-française. Ainsi, le Comité de vigilance face aux usages publics de l'Histoire (CVUH) a écrit sur son site un communiqué alarmant, notamment, sur le livre de Casali, L'altermanuel d'histoire de France : « On y trouvait tous les clichés les plus simplistes et scandaleux : nos enfants étudieraient davantage l’histoire de la Chine ou de l’Afrique que celle de leur propre pays, la chronologie de la nation serait volontairement dissoute dans l’histoire du monde, les écoliers ne connaîtraient plus les rois et héros qui auraient bâti la nation. Ces affabulations avaient aussitôt soulevé un tollé général. Elles ont été démenties par de nombreux historiens, ainsi que par les principales associations de professeurs d’histoire-géographie. Contrairement à ce que prétendent les signataires, ni Napoléon ni Louis XIV n’ont disparu des programmes scolaires. Quant à la partie « Regards sur l’Afrique », elle n’occupe que 10% du temps consacré à l’histoire de la classe de 5e. » Dès lors, et je partage l'avis du CVUH, le communiqué est sans appel : « Flattant quelques racistes et xénophobes, cette polémique a provoqué de virulentes menaces et attaques antisémites contre Laurent Wirth, alors doyen de l’Inspection Générale, accusé d’être à la tête d’un vaste complot visant à brader l’histoire de France. »

 

Voilà à quels extrémités des individus malsains, polluant les médias avec leur discours antirépublicains, en sont arrivé : à des menaces envers un haut-fonctionnaire de l'état, s'en prenant à sa personne et ne discutant absolument pas du fond des programmes. Les Casali, Zemmour, Gallo, Bern & compagnie, sont des dangers pour l'histoire scientifique, l'histoire des historiens, celle objective qui repose sur des faits, sur la curiosité et la neutralité des analyses. Je suis le premier à défendre l'historiographie, à défendre même l'histoire de France et j'ai chez moi l'histoire de France de Michelet et celle de Lavisse (récemment publié aux Éditions des équateurs). Je suis un lecteur assidu d'historiens français du XIXe. Seulement, je suis un citoyen politiquement à gauche, aucunement réactionnaire, ouvert sur le monde et sur les progrès historiographiques de ses dernières années. Je suis aussi le premier à mettre en garde contre une certaine lecture de l'histoire et les historiens du XIXe mettent en avant la nation et le patriotisme, continuant à diffuser des clichées. Je connais aussi ce qu'écrivent Zemmour et Gallo car j'ai déjà lu quelques uns de leur livre, critiquant parfois le fond de leur propos. Gallo qui fait l'oubli – volontaire – de minimiser la répression des juifs par Louis IX est plus que critiquable, surtout lorsque l'on s'aperçoit que les juifs avaient, déjà à l'époque, l'obligation de porter sur leur vêtement un morceau d'étoffe jaune. Dès lors, l'histoire que nous proposent ces gens de droite ne parle pas des femmes, ne parle pas de conflit social (si ce n'est pour accuser les acteurs d'être des terroristes et des mafieux), minimisent la Commune, etc.

 

Je conclu mon article par la conclusion du communiqué du CVUH – que je vous invite à lire – car cela résume bien mon propos : « Nous avons été de ceux qui ont dénoncé les programmes de 1ère au nom d’arguments professionnels et historiographiques. En reprendre quelques uns et les amalgamer à de telles obsessions droitières relève véritablement de l’imposture. Cette offensive éditoriale ne vient évidemment pas de nulle part. Outre Jean Sévillia lui- même, proche des milieux royalistes et catholiques conservateurs, les auteurs des livres dont il fait la promotion sont tellement connus pour leurs prises de position idéologiques que leur crédibilité est engagée : « sacrifier la maison de l’histoire de France et relancer la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), c’est ce qu’on appelle un choix » écrit Jean Sévillia. Certes, et tout est dit. »

 

Liens web :

http://cvuh.blogspot.fr/2012/08/vague-brune-sur-lhistoire-de-france.html

http://eduscol.education.fr/

 

Liens video :

http://www.dailymotion.com/video/xteqqc_dimitri-casali-histoire-de-france-interdite-2012_webcam

http://www.dailymotion.com/video/xlctui_csoj-ce-soir-ou-jamais-jeanne-d-arc-et-napoleon-chasses-des-cours-d-histoire_news

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 20:54

 

Alexandre le Grand fut un des grands hommes de l'Antiquité occidentale si nous nous en tenons à la tradition européocentriste de l'histoire. Tout ça simplement parce qu'il est de culture grecque et comme celle-ci est à l'origine de notre soi-disant grandeur, il faut le révérer et l'admirer pour ce seul fait. Allez : je rassure de suite le passionné du roi et général Macédonien en affirmant que mon but n'est pas d'en instruire le procès puisque je ne suis pas un procureur, mais d'en regarder quelques aspects rapportés par le professeur au Collège de France, Pierre Briant dans une série de cours. Je ne serais certainement pas aussi sérieux que cet éminent spécialiste du monde achéménide car ce n'est pas l'objectif de l'article.

 

Le grand public n'ignore rien du grand homme, ne serait-ce que par le film qui porte son nom et dont le résultat est assez bon, à mon sens, pour les scènes de batailles. Il n'a pas échappé au connaisseur la volonté du réalisateur de montrer le roi sous son meilleur aspect. Il montre la vigueur du jeune homme qui veut en découdre et peint les folles ambitions du roi qui veut dominer le monde. Il ne passe pas sous silence, bien sûr, les trahisons de ses généraux qui vont dépecer le vaste et éphémère empire macédonien.

 

C'est par cet aspect que Pierre Briant commence son cours en revenant sur le débat se demandant quels sont les mérites et les bienfaits de la conquête. Alexandre a t-il construit ou détruit ? La question, je trouves, mérite d'être posée car elle pourrait aussi s'appliquer à un empereur français aussi éphémère, Napoléon Ier. Vous imaginez certainement ce quelle est l'image de ces deux souverains : des génies militaires. Les historiens ont démontré qu'il fallait nuancer le génie de Napoléon qui a surtout saigné à blanc plusieurs générations de jeunes gens, morts bêtement dans des campagnes inutiles. En est-il de même pour notre jeune roi macédonien, successeur de Philippe V ?

 

Comme le montre Worthington, cité par Briant, « il y a un gouffre entre l'Alexandre mythique, image très répandue de nos jours, et l'Alexandre historique ». Il est curieux qu'il soit surnommé Grand, comme le fut Charles, roi des Francs. Pour un roi qui ne fut presque jamais en son royaume, préférant guerroyer à l'extérieur contre les Perses, causant la mort de milliers de ses soldats et le massacre des peuples indigènes. La même critique qui peut-être fait à Napoléon. Qu'allait-il faire en Russie de si nécessaire pour la France ? Si Worthington dresse un portrait des plus critique à l'égard d'Alexandre, il a le grand mérite de montrer que l'image historique doit être revisitée. Il est facile de se rendre compte du poids démographique que cela engendre pour un si petit royaume. La Macédoine se trouvant dépourvue d'hommes capables de tenir les armes, elle est à la merci d'éventuels envahisseurs.

 

Il va sans dire que cette vision critique, dite « école révisionniste », n'a pas que des adeptes, et d'autres historiens tiennent à ne pas enterrer trop vite la légende. Ils ont des arguments qui sont légitimes. Holt a montré que certaines interprétations de Worthington étaient infondées. Il préfère se montrer prudent, dénonçant la hâte que certains ont eu à « enfoncer » Alexandre, lui trouvant des défauts partout. Dans le courant d'une historiographie positive nous rencontrons Droysen. Pour lui, nul doute n'est possible, Alexandre fut à l'origine d'une ère nouvelle. Il a marqué l'histoire à jamais. Certes, il est sûrement connu par plus de la moitié de l'humanité, mais honnêtement cela n'en fait pas un héros universel.

 

Bref, ce n'est pas là la thèse de Droysen. Les Perses sont les ennemis de toujours – ou presque – des Grecs, mais il fallait oser s'attaquer à leur empire, très réputé à l'époque. La chance d'Alexandre fut de tomber sur un piètre Darius, mauvais meneur d'hommes. Droysen cherche à comprendre l'origine de cette engouement spontané pour une entreprise dont les chances de réussites n'étaient pas très hautes. Sa solution est interne à la Grèce, avec l'émergence des tensions entre les cités lors de la Guerre du Péloponnèse. Il ajoute que l'empire perse connaît un lent affaiblissement au cours du IVe siècle.

 

Le projet de guerre contre l'ennemi de toujours, dans l'esprit d'Alexandre, mais certainement inconsciemment, c'était de rétablir la fiction d'une Grèce unie contre les terribles Perses. Ce qui a joué un peu dans la légende, n'est-ce pas aussi parce que les Perses ont souvent eu une image très négative dans les représentations populaires ? Le film 300– que je trouve totalement nul pour ma part – en est la piètre illustration. La bataille de Marathon est une référence, même si elle est lointaine par rapport aux conquêtes macédoniennes. Le projet d'Alexandre, vu avec les yeux de l'époque, avait quelque chose d'assez cohérent. Finalement, doit-il ses succès à son seul génie, ou bien a t-il été aidé un tout petit peu par la médiocrité des achéménides ? Je laisserais la question ouverte pour le moment.

 

 

 

 

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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 18:59

 

À la fin du XVe siècle, ce que les historiens appellent l'État moderne apparaît peu à peu. Son esquisse se fait dès le règne de Louis IX (1226-1270) à la fin du XIIIe siècle. Dans un article, Jean-Philippe Genet revient sur ce tournant historique. C'est l'arrivée de l'argent dans l'action politique. Les rois, pour faire la guerre, pour régner, ont besoin de fonds. Pour en trouver, aujourd'hui, nous le voyons, nos oligarques le prennent aux classes moyennes. Certes, l'impôt pesait lourd sur les pauvres gens, mais certains souverains n'ont pas hésité à prendre aux riches. Genet cherche à comprendre les origines de cette modernité. Qu'est-ce qui est moderne dans la pratique politique de Louis IX ?

 

De manière intéressante, Genet nous explique que le féodalisme est à la base de l'État moderne. C'est une hypothèse qui n'est pas défendu par tous car une autre idée montre que ce sont les limites de la société féodale qui ont conduit aux famines et aux problèmes économiques du XIVe siècle. À la base, nous dit Genet, le roi moderne est un roi de guerre, ce que n'est pas, paradoxalement le roi féodal, qui est un roi de paix. Il cultive la guerre, mais son objectif idéal est de ramener la concorde en son royaume. Un Philippe IV (1285-1314) n'est pas un diplomate et n'est pas enclin à faire des compromis. La différence de Louis IX avec son petit-fils c'est qu'il fait la guerre lorsqu'elle est nécessaire, mais en même temps il cherche à s'entendre avec ses adversaires.

 

Genet souligne donc la naïveté de Louis IX qui fait passer l'hommage par dessus le reste. Dès lors, son attitude face au roi d'Angleterre Henri III pour les fiefs de Guyenne lui sera reprochée. La modernité ne vient pas de là. Un autre point important intervient alors. Le roi va partir en croisade, et donc loin de son royaume. En son absence, qui gouverne ? Là est le problème. Il faut établir une régence afin que l'absence du roi ne soit pas préjudiciable à la couronne. Pour se le permettre il doit être efficace et donc il va faire en sorte que ces terres – le domaine royal – donnent le maximum. Genet arrive à ce paradoxe : « Louis IX ne serait un roi moderne que dans la mesure où il est, archaïquement, d'abord un roi chrétien et un roi croisé, et donc avant tout un roi de paix, puisque la paix de la Chrétienté est une condition indispensable au lancement de la croisade. » (p.27)

 

Pour appuyer cet nouvel État moderne, la propagande royale va s'en donner à cœur joie. Ce sont les fameux Miroirs au Prince, comme celui de Christine de Pizan pour Charles V. Le but est de donner un modèle du bon roi et Louis IX entre dans cette catégorie. Pour son époque, c'est un véritable saint, officialisé dès 1297, c'est-à-dire seulement vingt-set ans après la mort du roi, ce qui est record. Bien sûr, il pourrait être objecté que Louis IX n'est pas le roi de la propagande. C'est une évidence, mais il convient de comprendre la construction d'une image du roi qui va avoir une grande influence dans les décennies suivantes. Louis IX incarne le roi de sagesse. Charles V (1364-1380) en est le parfait exemple. Il n'a pas été surnommé Charles le Sage pour rien. Dans les grands hommes de l'Histoire de France, il a une place centrale. Ce n'est pas pour rien car c'est un roi qui restaure l'autorité de l'État et qui s'affirme comme celui qui centralise les pouvoirs. La Guerre de Cent ans voit apparaître les prémisses de la monarchie absolue et de l'État centralisateur.

 

___ Source ___

 

GENET Jean-Philippe, Saint Louis : le roi politique, dans Médiévales, N°34, 1998. Hommes de pouvoir: individu et politique au temps de Saint Louis. pp. 25-34.

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 15:49

La royauté apparaît en Égypte voici 3 500 ans. Elle était symbolisée par la figure du roi, le pharaon. L’institution pharaonique sera le plus durable de tout les régimes politiques de l’histoire de l’humanité puisqu’il va durer plus de trois mille ans, s’éteignant avec Nectanébo II (360-342). Cette stabilité réside dans l’essence divine du roi, associé au dieu du ciel, Horus, symbole de la royauté. Son nom signifie « celui qui est au-dessus ». Peu importe le mortel qui lui sert d’intercesseur sur Terre. Horus est vénéré à Edfou, Hiérakonpolis, Héliopolis et Abydos, cité près de laquelle se trouve la nécropole des premiers rois, Umm el-Qâab. La cité fut un important centre religieux qui rendait hommage a un dieu local, Khentamentiou, qui reçut un temple de 9 m sur 15, puis un second temple de 120 m², accolé au premier. Le temple sera détruit sous les rois de la IVe dynastie. Les hiéroglyphes, à usage religieux au début, apparaissent avec les premières dynasties. C’est une des plus vieille écriture connue. Champollion la déchiffrera au XIXe siècle.


La royauté apparaît et se consolide avec la sortie du Néolithique. Des communautés villageoises se constituent afin de sécuriser les campagnes et de renforcer le pouvoir des roitelets locaux. Le contrôle de la population est un préalable à la constitution d’un grand royaume d’Égypte. Pendant longtemps, il y aura deux couronnes, celle de Haute et celle de Basse-Égypte. Le chemin suivi aurait pu être celui de la Grèce, certaines cités égyptiennes étant largement autonome. Il n’en fut pas ainsi. Le fondateur de l’institution pharaonique, Narmer (3024-2999), aurait réunifier les deux royaumes en un seul. C’est un guerrier et un législateur, plus mythologique que réel pour certains égyptologues. Il s’appuie sur des pratiques plus ancienne et va renforcer son autorité sur le Nord en fondant une cité dans le delta du Nil, Memphis. Stratège et bâtisseur, Narmer doit protéger sa capitale. Il édifie des places fortes dans la région de Gaza et des barrages sur le Nil. Il instaure des cultes nouveaux.


Pour un seul roi, cela fait beaucoup, eut-il régné vingt-cinq ans, et pour les historiens Aha, son fils, aurait été associé au pouvoir de son père. Menu pense que les deux rois portaient le titre de Ménès, « celui qui établit ». C’est une séduisante hypothèse que ne partage pas James Peter Allen. Pourtant, Ménès ne peut être un roi à part entière étant donné les tessons de poterie, les étiquettes et les vases, prouvant l’existence de Narmer. La fameuse palette de Narmer montre le roi coiffé du pschent, cette coiffe royal composé de la couronne rouge de Basse-Égypte, desheret, et de la couronne blanche de Haute-Égypte, hedjet.


L’héroïque histoire de ce roi serait parfaite si les archéologues ne venaient déstabiliser le bel édifice par leurs découvertes. Ils pensent que Narmer serait le fil de la reine Shesh et du roi Ka, régnant à Hiérakonpolis, ville considérée comme rivale de celle de Memphis. Au même moment, règne le roi Crocodile à Nagada. En 1902, la tombe de Ka est découverte à Umm el-Qâab, mettant ainsi fin aux théories faisant de ce roi un héros légendaire. Ce ne fut pas du tout un héros, et lorsque Narmer lui succède ce n’est pas sans entraîner des troubles. D’ailleurs, pour renforcer la royauté, il épouse une princesse de Nagada, Neith-Hotep. Elle donnera naissance à Aha et Berenib. À la mort de son époux, en 2999, elle devient la Régente, « Mère du roi ». Aha épouse alors sa sœur Berenib afin de consolider la lignée royale. C’était une pratique courante des pharaons, qui par ailleurs possédaient leur harem, avec les épouses secondaires et les favorites du moment.


Aha semble avoir été un roi actif, mais en retrait par rapport à sa mère qui se fit bâtir un magnifique tombeau à Nagada et enterrer avec les rois. Cela ne manqua pas d’intriguer les égyptologues. Fut-elle la première femme pharaon ? L’épouse ne portait jamais le titre de reine et lorsqu’elle gouvernait, elle portait les attributs des hommes, avec le titre de roi. Neith-Hotep était une femme à poigne, cela ne fait pas de doute. Son autorité est incontestable et elle semble avoir régné avec son fils, pourtant âgé de 40 ans à la mort de son père. Il est donc curieux que Neith-Hotep fut nommée la Régente. Toujours est-il que Aha meurt en 2974 à l’âge vénérable de 64 ans. Durant son règne, il instaure le culte de Sobek, dieu-crocodile du Fayoum, celui d’Apis, dieu-taureau, et celui de Neith, déesse du Delta à Saïs. La volonté de rattacher la royauté de Nagada à celle de Memphis semble évidente. Est-ce la volonté de feu Narmer ? Peut-être… Aha défendit vaillamment le royaume en combattant en Libye, en Nubie et en Syro-Palestine.


La guerre continuera encore pendant plusieurs années et il faudra attendre les IIIe et IVe dynasties pour avoir un premier apogée de l’Egypte, avec les fameuses pyramides.

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 19:15

Princip.jpgLe 28 juin 1914, dans la ville de Sarajevo, est assassiné l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche, héritier de la couronne. Celui qui a tiré est Gavrilo Princip, un nationaliste serbe. Sur l'image, il est arrêté par la police. L'homme a dix-neuf ans et son geste va conduire à une boucherie humaine. Bien sûr, il n'était pas censé le savoir. Essayons de comprendre le pourquoi de cet attentat. Déjà, l'Empire austro-hongrois, comme son nom l'indique, est composé de l'Empire d'Autriche et du royaume de Hongrie, ainsi que de plusieurs territoires dans les Balkans. L'ambiance pourrie de la journée, les problèmes d'organisation et la négligence de la suite de l'héritier du trône, font que l'attentat a réussit.

KraljAlexObrenovic.jpg

En juin 1903, le roi de Serbie, Alexandre Ier (sur l'image), de la dynastie des Obrenovic, est massacré avec sa femme, la reine Draga. Dragutin Dimitrijevic, chef de La Main Noire, association secrète, est aussi le responsable des services secrets serbes. Il est un membre actif de l'assassinat du couple royal. Il aurait pu devenir dictateur, mais préfère rendre le pouvoir aux éternels rivaux de la dynastie déchue, les Karadordevic. Le nouveau roi s'appelle Pierre Ier.

 

Peter_I_Karadjordjevic_of_Serbia.jpg

Pierre Ier a 58 ans. Il restera au pouvoir jusqu'en 1921 et survivra donc à la guerre. Il combattit dans la Légion étrangère en 1870, contre l'Allemagne. C'est un militaire de carrière qui n'aime pas les Allemands.Sous son règne, les nationalistes vont peu à peu infiltrer l'administration et les ministères. Une monarchie constitutionnelle est mise en place et il est important de souligner ses avancées en terme de démocratie et de libertés pour l'Europe de l'époque. La Serbie a plutôt la faveur des pays comme la France et l'Angleterre.

 

Nous entrons dans un véritable roman d'espionnage avec la personnalité de Dragutin Dimitrijevic, surnommé « l'abeille » ou, plus couramment, Apis. Élève de l'académie militaire de Belgrade, c'est un jeune homme très doué qui entre de suite, son diplôme en poche, dans l'état-major de l'armée serbe. Pan-slaviste convaincu, Dimitrijevic, s'intéresse au renseignement militaire. Son objectif : réunir sous la couronne de Serbie tout les Slaves. Son problème : François-Ferdinand d'Autriche qui donnait des gages aux Slaves du Sud. Ces derniers ne souhaiteraient peut-être plus de rejoindre une Grande Serbie dans ces conditions. La volonté de l'héritier du trône impérial de visiter Sarajevo va donner l'occasion à Apis de mettre fin aux agissements de l'Autriche. Seulement, dans le gouvernement, tous ne sont pas favorable à des extrémités aussi radicales. Le premier ministre serbe, Nikola Pasic (sur l'image), averti du complot, demande de l'arrêter. C'est trop tard.

 

220px-Gavrilloprincip2.jpgLes trois hommes envoyés par La Main Noire, Princip (sur la phot), Gabrinovic et Grabez, sont entrés en actuelle Bosnie. La suite est connueet le 28 juin 1914, le couple héritier est tué. Une première alerte, avec Gabrinovic qui à déjà jeté une bombe sur la voiture de François-Ferdinand, n'a pas été pris en compte. Les festivités continuent, espérant peut-être que l'arrestation de Gabrinovic aura dissuadé les autres. Peine perdue.

 

Une enquête est réalisée. Les autorités austro-hongroises, pas si bêtes que ça, malgré leurs incompétences lors de l'assassinat, vont vite découvrir qu'une partie du gouvernement serbe est responsable. Ils ont le nom de Dimitrijevic, de Tankosic (qui a averti Pasic, le premier ministre, du complot) et un troisième larron, Ciganovic. Pasic refuse d'extrader les coupables et la guerre est déclarée. En interne, en Serbie, c'est le règlement des comptes. Apis est arrêté et sera exécuté en juin 1917.

 

Comprendre les alliances ne sert pas à grand chose car les causes de la guerre entre l'Autriche et la Serbie n'ont rien à voir avec celles qui vont déclencher la Grande Guerre. En 1903, le Parti radical serbe arrive au pouvoir en même temps que Pierre Ier. Pasic est alors ministre et il proteste, en 1908, par l'annexion de la Bosnie par l'Autriche. En effet, la Bosnie, et donc aussi Sarajevo, était sous le contrôle des Ottomans. Le 28 juillet 1914, la guerre qui éclate fait suite à cinq ans de tensions et de nationalisme exacerbé.

 

La France, la Russie et l'Angleterre, liés par des traités, vont déclarer la guerre à l'autre camp, composé de l'Autriche, de l'Allemagne, de la Bulgarie et de l'Empire ottoman. Les historiens parlent de Triple Entente et de Triple Alliance. C'est le début d'une guerre de quatre ans qui fera des millions de mort et s'achèvera, pour la France, par le Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919.

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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 00:44

Ferdinand LOT, comme Patrick GEARY, ont intitulé leur livre Naissance de la France, l'un en 1948, l'autre quarante années plus tard, en 1988. Les deux ouvrages abordent la même période chronologique, c'est-à-dire les temps mérovingiens, allant de la fin du Ve siècle à l'accession au pouvoir royal des Carolingiens au milieu du VIIIe siècle. Le siècle qui suit la mort de Dagobert, en 639, m'intéresse surtout parce que c'est un « âge sombre », même si la fin de la dynastie mérovingienne n'a rien d'aussi noir que la tradition l'affirme souvent, bien au contraire. L'aristocratie prend corps, se détachant peu à peu des traditions romaines et gothiques pour devenir ce que nous connaîtrons dans les siècles qui vont suivre, c'est-à-dire la civilisation féodale, dont Jérôme BASCHET parle admirablement dans ce livre-référence La civilisation féodale(2006).

 

Notre description en décevra plus d'un d'entre vous car je vais me contenter de l'histoire politique. Le but est de montrer les dynamiques de cette période de transition, plutôt que de « rupture », entre le monde antique et le monde féodal, afin de voir émerger les forces de demain, comme nous dirions de nos jours. « L'histoire des Carolingiens est d'abord celle de l'ascension militaire d'une lignée aristocratique franque. Charles Martel, le maire du palais, sorte de vice-roi des Francs, avait acquis un grand prestige militaire après sa victoire sur les musulmans à Poitiers (en 732). Celui-ci rejaillit sur son fils Pépin le Bref, qui poursuivit son œuvre d'unification et acquiert un pouvoir tel qu'il peut, en 751, mettre fin au règne de Childéric, l'ultime roi mérovingien issu de la lignée de Clovis, et se proclamer à sa place roi des Francs. »1 (Baschet, 2006)

 

743, l'arrivée sur le trône de Childéric III.

 

Childéric III, en effet, a été rétabli sur le trône en 743 par Pépin et Carloman, les fils de Charles Martel, mort en 741. Le but est de contenir les aristocrates francs, à l'esprit quelque peu frondeur, aurait-on dis au XVIIe siècle. Contrairement à la tradition, véhiculée par Eginhard au IXe siècle, les « rois fainéants » ne sont pas des impotents sans pouvoir. Ils légifèrent toujours et ils possèdent des domaines fiscaux qui rapportent plus qu'on ne l'a également dit. Le prestige moral, unificateur, que représente la dynastie mérovingienne, et donc par là Childéric III, est très fort2. Comme nous le verrons, c'est un autre pouvoir moral, l'évêque de Rome, Zacharie – donc l'Église – qui mettra fin à un état de fait, pas les Pippinides directement, même s'ils z-y ont largement contribué.

 

747, l'imprévu retrait de Carloman.

 

« Les deux frères comprennent que ces troubles [avec Odilon de Bavière] s’autorisent de la vacance de la royauté. Ils cherchent un Mérovingien et le mettent sur le trône : ce sera Childéric III, encore plus impuissant, plus nul, s’il est possible, que ses prédécesseurs (743). » (Lot, 1948) Les mots de Ferdinand LOT sont dur avec le mérovingien. Il continu : « Un événement imprévu se produit en 747. Jusqu’alors les deux frères avaient marché d’accord, chose qui ne s’était encore jamais vue depuis la fondation de l’Etat franc. Cet accord aurait-il duré ? La question fut tranchée par la volonté même de l’aîné, Carloman. Il renonça au pouvoir spontanément. Ce guerrier vaillant, impitoyable à l’occasion, était travaillé par le sentiment religieux. Le monde lui fit horreur. » (Lot, 1948) Les conséquences en sont évidentes : voici Pépin seul maître de l'Union franque3. Il a les mains libres pour renverser les mérovingiens et s'installer à la place.

 

751, la déposition de Childéric III.

 

Pépin n'est pas un idiot. En 747, il a trente-deux ans. C'est un politicien des plus expérimenté. Il peut s'appuyer sur de puissants domaines en Austrasie, rivalisant largement avec ceux de ses adversaires. À Rome, l'évêque du moment est Zacharie (741-752), dont le pontificat correspond presque avec la période de transition – d'une décennie, tout de même ! - entre la mort de Charles Martel et la déposition du roi Childéric III. Les problèmes de l'évêque n'étaient pas des moindres, puisqu'il dût lutter contre les Lombards. Malgré l'excellence diplomatique de Zacharie, qui obtient un traité de paix, celui de Terni, en 742, renouvelé par Hildeprand, puis par Ratchis, et enfin par Aistolf, les Lombards se montrent offensifs en Italie. En effet, Aistolf n'est pas un roi pacifique pour un sou, et il attaque l'exarchat de Ravenne en 752. Il va même s'emparer de la ville, ancienne capitale impériale (de 402 à 476), alors possession de l'Empire romain d'Orient. Le VIIIe siècle est incontestablement un siècle de ferveur religieuse dans le monde occidental. Les Francs sont favorables à l'Église de Rome, ce qui permettra le rapprochement de Zacharie avec Pépin. « Au cours de l’année 750, Pépin députa auprès du pape Zacharie deux hommes de confiance, le chapelain Fulrad et l’évêque de Wurzbourg Burchard. » (Lot, 1948) Puis, ajoute Ferdinand LOT, « Pépin fut donc élu roi « selon la coutume des Francs » c’est-à-dire élevé sur le pavois, dans une assemblée de grands et d’évêques convoqués à Soissons, en novembre 751. » (Lot, 1948)

 

En 2011, le 1 500e anniversaire de la mort de Clovis est passé inaperçu. Pourtant, il aurait relevé le niveau politique de nos chefs d'États, dont nous sommes en droit de nous demander ce qu'il restera dans un millénaire et demi. Ce fut aussi le 1 260e anniversaire de l'arrivée sur le trône de Pépin le Bref, premier des Carolingiens.

 

_______Notes____________

 

 

 

1Baschet (Jérôme), La civilisation féodale, p.79

2Riché (Pierre), Les Carolingiens, p.69-70

3L'expression d'Union franque est une construction intellectuelle, car elle n'est employée par aucun historien à ma connaissance puisque je l'ai inventée. Elle a pour but de permettre une meilleure vulgarisation, afin de remplacer les expressions, courantes celles-ci, de regnum francorum ou de royaume des Francs.

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 23:33

100e article dans la catégorie "Histoire"

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Le texte donné à la lecture est un commentaire d'un texte du chroniqueur et homme politique vénitien, Antonio Morosini (1363-1435).

 

INTRODUCTION

 

Les passionnés d'histoire connaissent tous Gênes et Venise qui, avec Florence, Naples et Rome, sont les cités italiennes les plus renommés. Pourtant, connaissons-nous vraiment leur histoire ? Ce texte de Morosini va peut-être nous permettre dans savoir un peu plus. En 1403 – date des événements relatés dans le texte – Gênes et Venise sont des États puissants, mais des États affaiblis par les incessantes guerres qui les ont confrontés tout au long du XIIIe et du XIVe siècle. Gênes est sous domination française et Venise se replie sur la constitution de son contado, c'est-à-dire l'étendue territoriale contrôlée et dépendant d'une ville. C'est aussi l'espace rural où la commune exerce son pouvoir public. Dans le cas de Venise, les historiens parlent de la Terre Ferme. En 1403, date inconnue s'il en est, Venise va remporter sur une flotte génoise, commandée par l'amiral Boucicaut, une bataille navale à Modon, au sud-ouest de la Grèce. L'extrait de la Chroniqued'Antonio Morosini (1363-1435) parle de cette bataille et de ses suites. Le texte, traduit du vénitien, est issu d'une compilation de la Société de l'histoire de France, publiée entre 1898 et 1902. Il s'intitule « Extraits relatifs à l'histoire de France (1396-1433) ».

Le texte n'est donc pas le manuscrit original. Toutefois, les compilateurs, Dorez et Lefèbvre-Pontalis, avaient le manuscrit original à leur disposition. Celui-ci existe toujours.

Les historiens ont fait analyser le papier du manuscrit ce qui leur permet d'affirmer qu'il date bien du XVe siècle, certainement fabriqué à Fabriano, ville sous domination vénitienne. Nous savons aussi qu'il fut certainement rédigé après 1418. En effet, Morosini écrivait sans doute au jour le jour, mais son manuscrit fut détruit sur décision du Conseil des Dix. La raison est obscure, mais les événements relatés auraient mis en danger la sécurité de la cité. Bien plus tard, Annibale Abati de Pesaro, qui l'acquiert on ne sait comment, en fait don au doge Marco Foscarini en 1756. En 1801, le manuscrit apparaît dans le bibliothèque de la couronne d'Autriche, acheté pour la modique somme de 10 880 livres. Le catalogue de cette bibliothèque sera établit en 1843 par Tommaso Gar qui publie se catalogue. La Chroniquereçoit une notice avec la description du contenu et la biographie de l'auteur.

Il apparaît que Dorez et Lefèbvre-Pontalis ont eut accès à ce manuscrit annoté. Finalement, par sa proximité avec le texte original, l'extrait en face duquel nous sommes est une source qui peut paraître intéressante car peu travaillé par les remaniements successifs que de nombreux documents médiévaux peuvent subir.

Seulement, il convient de nuancer cette première constatation.

Jean-Claude Hocquet signale que « peu de classes dominantes au monde ont attachés un tel prix à l'historiographie, à la chronique, qui magnifient dans une volonté apologétique sans égale le rôle des principales familles. »

Résultat : il faut prendre le texte avec prudence, sans pour autant le considérer comme totalement mensonger, car l'auteur pourrait avoir le réflexe de magnifier les événements qu'il raconte. En effet, les risques sont les exagérations, le recours au fantastique et aux analyses partisanes.

Pour comprendre le sens du texte, regardons comment Antonio Morosini a composé sa Chronique.

Auguste Molinier, dans le tome IV des Sources de l'histoire de France (1904), explique que les informations de Morosini sont de qualités diverses, mêmes si elles sont de première main, du moins concernant la période allant de 1388 à 1403.

Après 1388, la Chroniquede Morosini semble original, l'auteur ayant utilisé les nouvelles dont il a connaissance par les journaux de l'époque, les gazettes, et par les lettres qu'il reçoit de ses correspondants à travers l'Europe.

Morosini a également écrit une suite à sa Chronique, texte connu sous le nom de Diario. Son texte servit de source d'information à la Vie des dogesde Marino Sanudo et à la Chroniquede Pietro Dolfino. Un autres vénitien parle des mêmes événements dont il est question dans notre extrait. Il s'agit de Jacobo Zeno qui relate les hauts faits de Carlo Zeno, personnage important cité dans le texte.

Il ne convient pas de connaître uniquement la manière dont Morosini a composé son texte, mais aussi il s'agit de savoir qui il est pour comprendre sa vision des choses.

Déjà, il appartient à l'élite vénitienne. En effet, Jean-Claude Hocquet nous explique que « les nobles à Venise sont essentiellement ceux qui peuvent se prévaloir d'une généalogie, prestigieuse bien entendu, illustrée par la présence d'un doge ».

L'oncle d'Antonio, Michele, a été doge en 1382. La famille Morosini compte d'autres doges, aux XIIe et XIIIe siècles. Le père d'Antonio, Marco, habitait dans le centre de Venise, comme le stipule son testament, daté du 1er octobre 1368. Par le testament d'Antonio, daté du 1er mars 1377, nous savons que Marco est mort peu de temps avant, au début de l'année 1377.

Ce testament nous apprends surtout des choses intéressantes sur l'auteur de la Chronique. Nous savons qu'il possédait un esclave, Domenico. Nous avons aussi connaissance de sa richesse, qui s'élève à 1500 ducats or, plus des meubles et divers objets estimés à 200 ducats or. Il appartient à l'ordre de Saint-Dominique et à la confrérie des Pénitents de Santa-Maria della Misericordia. Il fera don de 570 ducats or à ses diverses ordres et associations de bienfaisance à sa mort. Comme tout citoyen vénitien de l'élite, il entre au Grand Conseil en 1388 à l'âge de 25 ans.

L'existence d'Antonio Morosini va de 1363 à 1435. Doris Stöckly, pour la période allant de 1350 à 1450 environ, parle « d'une « crise », d'une véritable dépression économique, due aux guerres et aux épidémies qui sévissent dans toute l'Europe. Ces facteurs ont eut des répercussions sur la démographie et sur la demande de biens de consommation, en particulier de blé. »

À ces troubles économiques, s'ajoute les guerres entre Gênes et Venise tout au long du XIIIe et du XIVe Siècle : la Première guerre entre 1261et 1270 ; la Deuxième guerre entre 1294 et 1299 ; la guerre des Détroits de 1351 à 1355 et la guerre de Chioggia, de 1377 à 1381, dont Morosini a été le contemporain.

Il faut ajouter à cela la peste, qui frappe l'Italie en 1349.

De fait, de 1349 à 1403, nous avons deux cités affaiblis, à la fois politiquement, militairement et économiquement. C'est dans ce contexte que s'inscrit le texte de Morosini et donc c'est au regard de ce contexte qu'il faut essayer de le comprendre.

Les événements de 1403, anodin car ces conflits épisodiques entre Gênes et Venise ne sont pas exceptionnels, permettent de nous montrer ce qu'était la lutte pour le contrôle des routes maritimes de la mer Méditerranée. L'intérêt supplémentaire du texte, c'est que l'usage de nouvelles pratiques, dans la seconde moitié du XIVe siècle, tel que la piraterie, les perfectionnements technologiques et l'évolution des réseaux commerciaux, a provoqué un changement des mentalités.

Il convient d'insister sur les limites du texte au niveau historique, puisqu'il parle peu de Gênes, ne mentionne que fort rarement, voire jamais, le nom de Boucicaut, pourtant gouverneur de la cité. Le texte reste aussi très centré – trop peut être – sur les pertes économiques de Venise. L'auteur détail le contenu des cargaisons des navires pillés par Gênes.

Peut-on parler d'une mise en avant d'une certaine « préférence nationale », doublé d'un fort ethnocentrisme ? Morosini, pour résumer très rapidement le texte, centre son discours sur les pertes économiques engendrées par les attaques des navires de Gênes après la bataille de Modon, remportée par Venise, décrivant avec précision les cargaisons et la valeur de ces cargaisons, ainsi que les circonstances dans lesquels elles ont été prises. L'exposé se fera en trois temps : les événements de 1403 dans une première partie ; les stratégies dans une seconde partie ; et les moyens dans une dernières partie.

 

I.LES ÉVÉNEMENTS DE 1403

 

En 1395, le doge de Gênes, Antonio Adorno, décide d'offrir la souveraineté de la ville au roi de France Charles VI. Le roi accepte au mois de mars 1396. Les troupes française prennent possession de Savone et de Gênes. Le maréchal Boucicaut devient gouverneur des deux cités en 1401. Il s'empare de la ville chypriote de Famagouste. À partir de l'île de Chypre, Boucicaut commence à piller les ports musulmans de Beyrouth, Tripoli et Alexandrie, alliés commerciaux de Venise. À Beyrouth, il s'empare même des entrepôts vénitien. La bataille navale de Modon, à la fin de 1403, fut une victoire de Carlo Zeno sur Boucicaut.

 

1.Les enjeux de la rivalité de 1403

 

Gênes, par cette entreprise de Boucicaut, cherche à conserver son monopole commercial sur l'ouest de la Méditerranée. En effet, elle assure des échanges avec les Flandres, la péninsule ibérique et les pays musulmans d'Afrique du Nord.

De cela, Morosini n'en parle pas du tout dans l'extrait à notre disposition ici. Dans le reste de la Chronique il est un peu plus ouvert, mais pas beaucoup plus. Dès l'abord, le texte nous renvoie cette impression particulière de quelqu'un qui reste enfermée dans ses affaires, s'occupant de celles des autres que lorsqu'elles le touche directement. C'est une limite du texte qu'il faut avoir à l'esprit.

Pour Venise, Morosini est plus explicite quant aux enjeux de la rivalité. La cité est fragile et elle doit préserver le contrôle de l'Adriatique coûte que coûte.

Venise défend Constantinople, la capitale de l'Empire byzantin, depuis la croisade de 1204. De plus, la cité contrôle la Romanie et possède le monopole sur les comptoirs de Caffa, de La Tana et de Trébizonde en mer Noire.

Ajoutons toutefois que, suite au traité de Turin, en 1381, qui clôt la guerre de Chioggia, Venise a perdu la Dalmatie au profit du royaume de Hongrie.

Venise est donc sur la défensive et cela se ressent dans le texte lorsque Morosini note que les galères génoises viennent jusque dans le Golfe de Venise pour s'emparer des navires vénitiens (lignes 8 à 9). La cité de Venise se doit de consolider son assise commerciale par une intervention de l'État dans l'activité économique. Pour un citoyen, membre de l'élite, une défaite militaire, une erreur stratégique, peu l'entraîner en prison.

Regardons ce que Morosini nous livre sur l'organisation, sur le fonctionnement de Venise.

 

2.Le fonctionnement de Venise

 

Morosini nous livre en fait peu d'éléments, mise à par la mention qu'il fait du Doge, du Conseil, à la fin du texte, et du lien hiérarchique qu'il sous-entend entre Carlo Zeno qui aurait délivré des lettres de commission (c'est-à-dire des lettres de course) à Mocenigo, pour rétablir l'ordre suite aux actes de piraterie des génois.

Depuis 1314, grâce au Livre d'Or, sorte de registre d'état civil, les historiens connaissent avec précision les naissances, les mariages et les décès des membres de l'aristocratie.

Déjà, les titres de noblesses n'existent pas. Les membres de l'élite se désignent sous le titre de « ser » et de « messer ». Ces deux mots sont présents dans le texte de Morosini, chaque fois qu'il écrit le nom d'un personnage.

Le Doge – Morosini cite le doge Michele Steno (mort en 1413) – est élu à vie et préside les Conseils, sans toutefois avoir le droit de voter. C'est un personnage influent, même si son pouvoir est limité par celui de l'aristocratie, de laquelle il est d'ailleurs issue.

En effet, il est élu par le Grand Conseil, qui domine réellement la vie politique vénitienne. Morosini y est entré en 1388 à 25 ans car c'est l'âge minimum pour avoir le droit de siéger, un peu comme la majorité dans nos démocraties.

Vers 1400, le Grand Conseil est composé d'un millier de membres. Ce sont eux qui élisent le Doge.

Le Grand Conseil nomme les conseillers, les inquisiteurs, les procurateurs de Saint-Marc et les magistrats. Il gère aussi la Quarantia, composée de 125 membres, qui sert de tribunal.

Le Conseil des Dix, dont les membres sont également issu du Grand Conseil, est un organe de haute police, créé en 1310, et il gère les affaires politiques internes.

Il en est question dans le texte de Morosini à la ligne de 49. Du moins, pour moi, c'est de lui qu'il parle.

D'ailleurs, ces pouvoirs sont étendu car il possède des fonds secrets et des informateurs (des espions). Il peut même condamner à mort le doge.

Carlo Zeno (1334-1418), dont il est question dans le texte, a été procurateur de Saint-Marc et grand amiral vénitien. Les procurateurs sont les seconds personnages de l'état.

Les trois inquisiteurs sont, quant à eux, chargés de détecter les actes d'intelligences avec l'ennemi.

Morosini, sans que l'on sache réellement les charges qu'il assumé, apparaît comme quelqu'un d'informé. Il a accès des renseignements précis, concernant à la fois les faits et gestes des génois dans les différents ports, mais aussi concernant les cargaisons des navires.

Ce point sur le fonctionnement de Venise a pour objectif de mieux comprendre comment Morosini pense les événements au regard des institutions de la cité.

 

II.LES STRATÉGIES

 

1.Le « Grand Commerce »

 

Les grandes cités mènent des politiques qui favorisent le contrôle des routes maritimes et la conquêtes des marchés en Méditerranée et au-delà, mais qui visent également à assurer les approvisionnements de la métropole en produits stratégiques.

Gênes et Venise sont très impliquées dans les conflits internes à la péninsule ce qui détournent parfois leurs efforts de la Méditerranée. Il est évident, et cela transparaît largement dans tout le texte de Morosini, que la compétition sur les mers et le contrôle des routes maritimes permet la domination commerciale des cités.

Des trouvailles techniques, comme le gouvernail d'étambot, la boussole et les cartes, vont rendre la navigation plus facile et donc moins dangereuse.

À Venise, les navires privés, armés par des particuliers, constituent la majorité des navires sous pavillon vénitien. Les capitaines, dont nous avons les noms dans le texte, appartiennent à de noble familles patricienne.

Quant aux types de navires utilisés, l'historien, pour les connaître, peut s'appuyer sur les textes et sur les graffitis. Morosini nous donnent des détails intéressants. Il cite la galère, la coque, la nef, la barque et le grip.

Les grandes galères marchandes faisaient environ 42 mètres de long pour un tirant d'eau de 2 mère et demi. Elles peuvent transporter 150 tonnes de marchandises. Le système des convois n'est pas encore normalisé, même si Morosini montre que les navires navigues souvent deux par deux. Venise était capable de mobiliser des flottes de combat de six à dix galères. La flotte de Mocenigo en compte six (ligne 31).

Seulement, pour armer des flottes de cette importance, il faut investir de l'argent. Les sommes cités par Morosini concernant la valeur des cargaisons est une indication.

 

2.L'investissement financier

 

Le XIVe siècle est celui du commerce maritime international. Les villes italiennes n'utilisent plus la voie fluviale pour traverser l'Europe. Elles passent par le détroit de Gibraltar pour rejoindre le Portugal, puis gagner la France, l'Angleterre et parfois le Saint-Empire. Certains navires vont en Mer du Nord et dans la Baltique. Cette mutation du commerce international est très important pour comprendre la montée en puissance des villes italiennes, particulièrement de Venise.

 

L'Incanto

 

À Venise, à cette époque, se met en place le système de l'Incanto, que décrit Stöckly dans son livre intitulé Le Système de l'Incanto des galées du marché à Venise (fin XIIIe-milieu XVe Siècle) (1995) et que vient complété, de manière très synthétique, Alberto Tenenti dans un article – certes assez ancien – publié en 1961 dans les Annales. « Le moteur du mécanisme est le contrat établi entre l'État, fournissant désormais les bateaux, et les armateurs qui, moyennant le paiement des enchères, assument la responsabilité de la navigation et s'assurent les droits de transport ».

 

L'esclavage

 

Dans le cas de l'esclavage, il s'agit d'un investissement. Les esclaves, dont Gênes et Venise faisaient le commerce, étaient vendus sur place. Ces esclaves servent souvent de domestique pour les familles aristocratiques. Les esclaves viennent de mer Noire, de la colonie de Caffa, plaque tournante de la traite médiévale. Ce trafic va durer du XIIIe au XVe siècle. La papauté s'y oppose en terre chrétienne, c'est-à-dire sur le continent européen. De plus, peu à peu, les États italiens vont être confrontés au surnombre des esclaves dans les villes. Toutefois, pour que la traite soit possible, tout comme le commerce en général, il faut aux cités des assises territoriales.

 

3.La domination coloniale

 

La domination coloniale est avant tout politique, par le développement d'institutions et d'administration liées à cette domination, tant en métropole que dans les colonies.

L'intérêt de ces possessions, notamment des îles, réside d'abord dans le contrôle des routes maritimes qu'elles permettent puisqu'elles constituent la possibilité de faire des escales et des points d'appui pour les flottes (comme c'est le cas de Pétra et de Modon dans le texte de Morosini).

Morosini montre surtout qu'elles font l'objet, ces « colonies », d'une exploitation économique. La Crète, que Morosini cite ligne 48, fait l'objet d'un contrôle étroit de Venise. Elle livre du blé et du sucre. Chypre développe la canna à sucre également. Le contrôle du commerce par l'État transparaît dans le texte puisque Lionardo Mocenigo, écrit Morosini, est envoyé par le grand amiral, Carlo Zeno, à Pétra « pour sûreté de nos deux coques ».

L'État tout entier est impliqué dans la protection des convois et des navires. L'attaque d'un navire pouvant constituer un prétexte de guerre. Venise a occupé de nombreux territoires, surtout les îles et les ports pouvant servir ses intérêts commerciaux. Les colonies d’exploitation la ravitaillaient en vin, en céréales, en fruits, en miel, en bois et matériaux de construction.

Trieste et l’Istrie, Zara, Raguse (qui affirmera ensuite son indépendance), Spalato, ont fait partie des possessions vénitiennes dans l'Adriatique. Au début du XVe siècle, la République possédait, au Levant : Corfou, la Crète (Candie) (achetée au marquis de Montferrat. Escale très importante sur la route de Chypre, de Beyrouth ou d’Alexandrie.), Coron et Modon (lieux de la bataille dont il est question dans le texte, surnommés « les yeux de la République », situés à l’extrême sud du Péloponnèse) Négrepont (Eubée), Chypre

Cet ensemble formait des escales, des places stratégiques sur la route de Constantinople, de la Mer Noire, de la Syrie ou de l’Egypte.



III.LES MOYENS

 

1.La « stratégie navale » de Venise

 

À Venise, le lien entre la flotte et le milieu maritime est étroit, autant parmi l'élite que parmi les gens du peuple car dans leur esprit la domination des mers ne pourra se faire que si la cité possède un dispositif portuaire adapté à ces ambitions politiques.

Dans l'esprit de Morosini, ce « lien » est évident puisqu'il s'attache à la stratégie maritime de sa ville et aux pertes en terme de ressources. En fait, les vénitiens ont compris que la domination passe par le contrôle d'une flotte puissante et efficace.

Un État fort permet d'exporter un modèle politique et économique dans les « colonies ».

Comme le rappel Morosini à la ligne 4, l'emblème de la cité est la bannière de Saint-Marc (auteur d'un évangile de la Bible). C'est un symbole.

Au sein de l'aristocratie, la discipline était stricte : les généraux risquaient la destitution en cas de défaite lors d'une guerre (Morosini semble reprocher son inaction à Mocenigo, ajoutant que le Conseil n'a pas procédé d'enquête contre lui) ; le déplacement d'un personnage ou de marchandises devaient être avalisé par une autorisation de l'administration (Mocenigo, explique Morosini, est en possession d'une lettre de commission signé par Carlo Zeno, grand amiral, l'autorisant à sortir du Golfe pour attaquer les navires ennemis).

Prévoir les fournitures et les provisions (les biscuits et les rames, par exemple, cargaison du premier navire dont parle Morosini), assurer le recrutement des équipages et gérer les communications entre les bases navales demande une réelle compétence, dont Morosini semble d'ailleurs très au fait. Morosini recense, dans sa Chronique, en moyenne, à peu près 25 départs par an.

Les convois de galères marchandes (mude) gérés par les patriciens en collaboration avec l’État avaient été institués au début du XIVe siècle, afin de rentabiliser les navires en temps de paix et d’améliorer la sécurité des marchands. La navigation de ligne, abondamment attestée dans les documents à partir des années 1330, fut d’une exceptionnelle constance et ne subit que de rares modifications jusqu’à l’abandon de son monopole par Venise, en 1534, et à sa disparition définitive peu après 1560.

 

2.La force génoise

 

Les navires corsaires contribuent, de manière complexe il est vrai, à l'affirmation de cette domination. Le maréchal Boucicaut, français commandant la flotte génoise et dirigeant la cité, est assimilé à un « pirate » par Morosini lui-même dans d'autres parties de sa Chronique.

Les plus actifs dans la pratique de « la course » sont les Catalans et les Génois. Gênes n'est pas capable d'affirmer sa souveraineté sur mer, mais localement, par des attaques, parfois « à tort et trahison » nous dit Morosini, elle peut réussir quelque coup d'éclat.

Morosini, en effet, insiste sur la méthode des Génois pour s'emparer des navires vénitiens. Il décrit les tromperies et les lâchetés des génois (« déployant l'enseigne de Saint-Marc » ; « attaquèrent de nuit » ; « rompre contre nous les traités »).

Les navires génois, comme nous le lisons dans le texte, attaquent les navires et opèrent des razzias, capturent les équipages (Morosini le mentionne à plusieurs reprises). Le rachat des captifs devient un enjeu économique. Il est réglementé.

La prise illégale d'un navire, par exemple en violation d'un traité de paix, comme c'est le cas dans le texte, autorise les poursuites.

Concernant les corsaires (ou les pirates, les deux termes avaient le même sens au moyen-âge), Morosini spécifie que Mocenigo est en possession d'une lettre de commission, c'est-à-dire du lettre de marque, lui permettant d'arraisonner les navires ennemis.

 

CONCLUSION

 

L'auteur veut montrer que leur défaite n'a pas empêché les Génois d'utiliser la piraterie pour s'emparer de navires vénitiens et que la réaction de la cité n'a pas été assez énergique (« il ne voulu point, afin de ne pas entrer en plus grande guerre avec eux » (l.46-47)). L'auteur insiste sur la faiblesse de Gênes (« très mal en point » (l.1)) et sur les grandes pertes de Venise (détail des cargaisons perdues). Il parle de l'attitude arrogante et provocante de Gênes, sous-entendu humiliante pour Venise (« dans notre Golfe » (l.9)). Finalement, il met l'accent sur la faible réaction de Venise qui se contente de protéger ses navires sans causer des dégâts chez l'adversaire afin de ne pas provoquer de conflit ouvert (« très grand et notable dommage eût pu être infligés aux Génois » (l.41)). Il a, selon moi, trois caractéristiques :

  •  
    • Il est rationnel : description des navires, de leur cargaison et de leur valeur monétaire (« patron », « chargement », « valeur en ducats d'or »)

    • Il est ethnocentrique : insistance sur la trahison et la fourberie des Génois (« grand trahison en lui déployant l'enseigne de Saint-Marc » (l.4) ; « à tort et trahison » (l.20)).

    • Il possède des connaissances géographiques précises : connaît le nom de certains comptoirs (Majorque, la Romanie, La Tana, les Flandres, Cadix, Modon, Zionchio, Péra, Sinope, Caffa, la Crète, Constantinople).

 

Le texte est le révélateur d'une époque :

  •  
    • Peur de la piraterie car entraînant des pertes financières et commerciales avec la prise des navires et la demande de rançon pour la libération des marins prisonniers. → SÉCURITÉ DES ÉCHANGES

    • L'ouverture du commerce méditerranéen vers l'Europe du Nord avec tout ce que cela entraîne comme évolution des « mentalités » et des « techniques maritimes » → LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES.

    • La protection de ses intérêts particulier, ou de ceux d'une classe sociale, appartenant à un État. → VISION « NATIONALE » DES ÉCHANGES

 

Finalement, Venise nous apparaît, sur le plan militaire, ancrée dans les réalités géopolitiques de son temps, alors que se développe les prémisses du capitalisme moderne, que certains historiens, comme Jacques Heers, qualifie de « pré-capitaliste », même si le libéralisme économique, tel qu'il apparaîtra au XVIIe siècle, mais surtout au XVIIIe, n'existe pas encore.

L'esprit de Morosini est donc révélateur de son époque avec la volonté de décrire une situation – la rivalité entre Gênes et Venise en 1403 – en regard de ses conséquences sur l'activité de l'élite marchande vénitienne – profits (la valeur des cargaisons est parlante) et pertes (prise de cette cargaison par les navires génois).

Le texte est donc utile, vous l'aurez compris, pour apprendre des choses sur Venise, sur la navigation et le commerce à cette époque, même s'il faut prendre avec précaution la présentation des événements par l'auteur, notamment ses « oublis » (ne parle pas de Boucicaut).

 

Simon Levacher,

Licence 3, Université du Havre

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Morosini, Dorez, Lefèvre-Pontalis, Germain (éd.). Chronique d'Antonio Morosini, extraits relatifs à l'histoire de France4. Étude sur Antonio Morosini et son oeuvre.

Annexes et tables. 1902.

 

Doumerc (Bernard), « Le dispositif portuaire vénitien (XIIe-XVe siècles) », dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, 35e congrès, La Rochelle, 2004, « Ports maritimes et ports fluviaux au Moyen Age », p.99-116.

 

Hocquet (Jean-Claude), Capitalisme marchand et classe marchande à Venise au temps de la Renaissance. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 34e année, N. 2, 1979. pp. 279-304.

 

Hocquet (Jean-Claude), Solidarités familiales et solidarités marchandes à Venise au XIVe siècle. In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 27e congrès, Rome, 1996. pp. 227-255.

 

Hocquet (Jean-Claude), Venise et la mer, XIIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2006.

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 18:55

L'histoire est vue comme le récit d'un passé humain. L'histoire est-elle une science ou relève t-elle de la littérature ? 

 

L'histoire, à l'origine, est un récit, basé sur le mythe, sur le devoir de mémoire ou sur la chronologie.

 

Un événement cerne l'humain tel qu'il a été dans le passé. Il devient un fait historique parce qu'il prend sens pour les hommes d'une époque. Tout les événements ne sont pas des faits historiques.

 

Les hommes ont commencé à recherché la vérité du passé à travers le récit. Michelet est un écrivain. Il raconte l'histoire pour en retransmettre l'humanité, l'âme du passé. Cette vision de l'histoire est mystique, surtout elle est spiritualiste.

 

Rechercher ce que l'histoire a été, au-delà du récit, c'est franchir un grand pas : passer de la littérature à la science. Tout le XIXe siècle européen est imprégné de cette recherche. L'histoire doit être objective, c'est-à-dire présenter la réalité des faits historiques, en donner un récit le plus réaliste possible. L'allemand Léopold Ranke souhaitait « montrer purement et simplement comment les choses se sont produites ».

 

Il a fallu du temps pour que les hommes prennent conscience du rationalisme des faits historiques. Il restait à élaborer le mécanisme de la preuve historique.

 

L'idée qui surgit est centrale : il faut prouver le fait historique. La preuve est un élément fondamentale de la science. Plusieurs moyens sont disponibles à l'historien pour cela : les documents (avec la critique interne (interprétation) et externe (authenticité)), les sciences auxiliaires (archéologie, héraldique, etc.)

 

Le « problème » de l'histoire est que son objet d'étude – le passé humain – est particulier et unique. Ce n'est pas mesurable comme le nombre des décès ou des naissances dans un groupe humain donné. De fait, le démographe est plus scientifique que l'historien, alors même que l'historien utilise ce que le démographe lui propose, voire même fait œuvre lui-même de démographe.

 

Dès lors, apparaît l'idée à laquelle tout historien est d'accord : ce qui est scientifique dans l'histoire ce sont ses méthodes, non ses résultats. Cela peut paraître paradoxe. Comment une discipline dont les méthodes sont scientifiques, ne serait pas elle-même une science ?

 

Chacun peut-il construire sa propre interprétation du passé simplement parce que l'on considère que seul les documents détiennent la vérité ? C'est ridicule, car un historien sait très bien qu'un document est parfois bourré d'erreurs.

 

Survient alors une question : peut-on connaître l'histoire ? Existe t-il une connaissance historique ? Marrou va révolutionner, tout en reprenant les pensées précédentes, la manière de voir l'histoire. L'histoire n'est plus science du passé, mais connaissance du passé. Elle n'est donc plus un récit, mais elle n'est pas non plus une science. Elle est entre les deux.

 

L'histoire n'est pas uniquement l'étude du passé, ou la recherche de ce qui s'est passé, mais c'est le résultat auquel elle aboutit. Le récit historique n'est pas un roman, c'est une connaissance du passé. Elle élabore la vérité.

 

L'histoire vise la vérité du passé par des moyens scientifique. Son objet n'est pas scientifique, mais ses méthodes le sont. L'historien doit expliquer ce qu'il voit, ce qu'il a sa disposition en terme de documents, de faits. Il doit trier et choisir, reconstruire ce qui s'est passé.

 

L'histoire, finalement, est une explication du passé. L'histoire est le Présent, plus le passé. Il n'y a pas d'histoire sans passé, et de présent sans histoire, c'est-à-dire sans passé. La connaissance de l'histoire est un lien entre le connu (le passé) et le connaisseur (l'historien).

 

L'historien regarde le passé en fonction du présent, en fonction des moyens techniques qu'il dispose et des informations nouvelles qu'apportent, par exemple, l'archéologie, assez régulièrement.

 

Certes, à partir de là, l'histoire est avant tout une interprétation d'un passé en fonction d'un présent. Pour certaine périodes reculé que la préhistoire ou la paléontologie étudie, peut-on dissocier le passé humain du passé biologique ? Si le comportement de l'homme est abstrait, dans le sens où il correspond à une intention de faire quelque chose, l'histoire ne peut être que abstraite. Or, l'homme à des intentions parce qu'ils est biologiquement constitué de telle ou telle manière, le tout conditionné par son environnement ?

 

L'historien est attaché au contexte, à l'environnement et à l'espace dans lequel évoluent les hommes. Or, certains biologistes, certains paléontologues, certes minoritaires, montrent que l'homme peut évoluer indépendamment de son environnement.

 

Dès lors, les techniques employés ou créées par les hommes sont le résultat des besoins des êtres humains à une certaine période de l'histoire de la vie biologique de l'espèce. Or, ces besoins dépendent du cadre de vie, de l'environnement. De fait, cela pourrait expliquer que des espèces se sont créées et d'autres éteintes.

 

L'adaptation d'une espèce à son milieu est une idée de la biologie avant d'être une idée de l'historien. Seulement, il est indiscutable qu'un être humain, s'il vit dans un certain milieu naturel ou humain, social, va devoir s'adapter ou partir s'il n'est pas capable de s'adapter.

 

Ce constat, chacun peut le faire aujourd'hui. Vivre dans un désert ou dans la banquise nécessite de s'adapter à un milieu aux conditions de vie extrême. L'historien ne peut pas être indifférent à l'homme d'autrefois car il sympathise souvent avec lui parce que cet « autre » du passé reste un être humain et donc proche de nous par certain côté.

 

Croire que l'histoire est une discipline strictement objective est donc un non-sens. L'histoire n'est pas comparé à une intrigue policière pour rien. C'est un nœuds de passions, de forces et d'actions individuelles.

 

La connaissance historique se propose la tâche de tisser des relations, de trouver dans le désordre des événements, des significations, des intentions, des valeurs pour l'ordonner dans un récit.

 

Il ne faut donc jamais perdre à l'esprit que le passé, avant d'être passé, était du présent, aussi mouvant et en train de devenir qu'aujourd'hui.

 

L'histoire est donc une élaboration de l'esprit toujours ré-interprétables. 

 

Source principale : http://sergecar.perso.neuf.fr/index.htm

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