« À la rentrée 2010 déjà, puis en 2011 jour pour jour, Dimitri Casali attaquait les nouveaux programmes d’histoire-géographie en prétendant que ceux-ci ne faisaient plus « aimer la France ». Relayée par certains médias complaisants au nom de la défense de l’« identité nationale », cette campagne avait d’abord pris la forme d’une pétition largement signée où se côtoyaient Max Gallo, Stéphane Bern, Frédérik Gersal et Eric Zemmour, avant de donner naissance à une page Facebook sous l’exergue : « Louis XIV, Napoléon, c'est notre Histoire, pas Songhaï ou Monomotapa ». » (CVUH, 27 août 2012).
Les critiques actuelles sur le contenu des programmes d'histoire au Collège et Lycée est une vaste blague. Les gens qui critiquent ne savent même pas ce que contiennent les programmes en question ou font mine de ne pas le savoir. Dimitri Casali en tête essaie de nous montrer que l'histoire qui fait l'apologie de la nation française, avec ses grands hommes et ses grandes dates a été passé à la poubelle. Déjà, je lui rétorquerais le plus sympathiquement du monde que l'histoire à la Lavisse a ses limites. Casali nous dis que Napoléon a rétabli l'esclavage en 1802 sous la pression des lobbyings bordelais et nantais. De plus nous dit-il, aucun pays n'a aboli l'esclavage avant la France. Faux ! Pour la Suède c'est 1792. Ajoutons qu'il cherche à nous faire de la pédagogie, parlant de « grammaire de l'histoire » en nous sortant un baratin qui est réellement incompréhensible. Le Figaro Magazinequi met Vercingétorix sur sa couverture, nous fait l'apologie de l'histoire nationaliste. Et dire de Napoléon qu'il n'était pas français est une grave erreur historique puisqu'il est né en 1769, peu après l'achat de la Corse par la France et donc il était sujet du roi, puis citoyen. Casali est sois-disant historien, mais sortir des bourdes pareil cela laisse réfléchir sur ce qu'on lui a appris à l'université. En gros, cet historien a largement dévié de ce que doit être un historien, c'est-à-dire quelqu'un apolitique en tant que professionnel. Mépriser autant l'histoire africaine, l'histoire des autres pays, est un peu choquant. Ouvrir les programmes à la « diversité » française, dirais-je, est une bonne chose.
Personnellement, si j'avais vu l'histoire de l'Afrique au Collège cela m'aurait bien plus. Ma famille est une « famille de souche » (pour utiliser les mots de Casali), qui est originaire de la campagne normande profonde. Pour autant, je me sens normand, autant que français et européen, voir même citoyen du monde. Il ne peut pas y avoir une histoire du chacun pour soi, mais l'homme a une histoire commune, une histoire connectée et il faut sortir un peu de son quant à soi. Casali nous sort qu'on ne peut plus dire que l'histoire de France est une belle histoire que l'on aime bien. J'ai pu critiquer les programmes parce qu'ils sont infaisables par les professeurs, mais je reste fier de l'histoire de France et j'aime bien les « grands hommes » chers à Hegel car ils font parti de l'histoire. Pour autant, je suis favorable a une ouverture vers une histoire plus sociale, plus économique et plus culturelle. Je me suis passionné pour la figure de Clovis, aujourd'hui largement méconnu et passé sous silence car ringarde pour beaucoup d'intellectuels. Or, les travaux sur la période mérovingienne sont nombreux et nous montre un visage bien plus intéressant que le discours convenu que Casali veut inculquer aux élèves. Il nous sort encore – au XXIe siècle – que l'histoire des Mérovingiens se résume aux règnes de Clovis et de Dagobert, avec la décadence des rois fainéants, etc. C'est complètement has-been. Ce sont des gens, ceux qui pensent encore l'histoire comme l'âge d'or des grands hommes et des hauts faits, qui n'ont aucune conscience de notre société, qui évolue en une société des interconnections, avec des enfants et des adolescents qui se fichent pas mal des « grands hommes ». Pour ma part, me parler de De Gaulle au Lycée m'énervait largement car, d'une part, je le trouvais complètement dictatorial, ensuite parce que j'aurais préféré avoir un cours sur mai 68, beaucoup plus fourni que ce que proposent les programmes, qui forcent les professeurs à faire un panorama de la Guerre Froide, noyant le poisson dans l'eau et rendant la période tout à fait ennuyeuse et complexe pour les élèves.
Dès lors, que Casali et Deutsch s'évertuent à nous présenter une histoire nationaliste et traditionaliste est très problématique, d'autant plus pour Casali, qui est un historien « professionnel ». Ce qui est encore plus grave, c'est que, non seulement ils se permettent de nous « embêter » avec leur baratin, mais en plus ils font des erreurs historiques grave et nous montre, avec force, que eux-mêmes ne sont jamais sorti de leur sympathique cocon dorée qu'est l'histoire franco-française. Ainsi, le Comité de vigilance face aux usages publics de l'Histoire (CVUH) a écrit sur son site un communiqué alarmant, notamment, sur le livre de Casali, L'altermanuel d'histoire de France : « On y trouvait tous les clichés les plus simplistes et scandaleux : nos enfants étudieraient davantage l’histoire de la Chine ou de l’Afrique que celle de leur propre pays, la chronologie de la nation serait volontairement dissoute dans l’histoire du monde, les écoliers ne connaîtraient plus les rois et héros qui auraient bâti la nation. Ces affabulations avaient aussitôt soulevé un tollé général. Elles ont été démenties par de nombreux historiens, ainsi que par les principales associations de professeurs d’histoire-géographie. Contrairement à ce que prétendent les signataires, ni Napoléon ni Louis XIV n’ont disparu des programmes scolaires. Quant à la partie « Regards sur l’Afrique », elle n’occupe que 10% du temps consacré à l’histoire de la classe de 5e. » Dès lors, et je partage l'avis du CVUH, le communiqué est sans appel : « Flattant quelques racistes et xénophobes, cette polémique a provoqué de virulentes menaces et attaques antisémites contre Laurent Wirth, alors doyen de l’Inspection Générale, accusé d’être à la tête d’un vaste complot visant à brader l’histoire de France. »
Voilà à quels extrémités des individus malsains, polluant les médias avec leur discours antirépublicains, en sont arrivé : à des menaces envers un haut-fonctionnaire de l'état, s'en prenant à sa personne et ne discutant absolument pas du fond des programmes. Les Casali, Zemmour, Gallo, Bern & compagnie, sont des dangers pour l'histoire scientifique, l'histoire des historiens, celle objective qui repose sur des faits, sur la curiosité et la neutralité des analyses. Je suis le premier à défendre l'historiographie, à défendre même l'histoire de France et j'ai chez moi l'histoire de France de Michelet et celle de Lavisse (récemment publié aux Éditions des équateurs). Je suis un lecteur assidu d'historiens français du XIXe. Seulement, je suis un citoyen politiquement à gauche, aucunement réactionnaire, ouvert sur le monde et sur les progrès historiographiques de ses dernières années. Je suis aussi le premier à mettre en garde contre une certaine lecture de l'histoire et les historiens du XIXe mettent en avant la nation et le patriotisme, continuant à diffuser des clichées. Je connais aussi ce qu'écrivent Zemmour et Gallo car j'ai déjà lu quelques uns de leur livre, critiquant parfois le fond de leur propos. Gallo qui fait l'oubli – volontaire – de minimiser la répression des juifs par Louis IX est plus que critiquable, surtout lorsque l'on s'aperçoit que les juifs avaient, déjà à l'époque, l'obligation de porter sur leur vêtement un morceau d'étoffe jaune. Dès lors, l'histoire que nous proposent ces gens de droite ne parle pas des femmes, ne parle pas de conflit social (si ce n'est pour accuser les acteurs d'être des terroristes et des mafieux), minimisent la Commune, etc.
Je conclu mon article par la conclusion du communiqué du CVUH – que je vous invite à lire – car cela résume bien mon propos : « Nous avons été de ceux qui ont dénoncé les programmes de 1ère au nom d’arguments professionnels et historiographiques. En reprendre quelques uns et les amalgamer à de telles obsessions droitières relève véritablement de l’imposture. Cette offensive éditoriale ne vient évidemment pas de nulle part. Outre Jean Sévillia lui- même, proche des milieux royalistes et catholiques conservateurs, les auteurs des livres dont il fait la promotion sont tellement connus pour leurs prises de position idéologiques que leur crédibilité est engagée : « sacrifier la maison de l’histoire de France et relancer la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), c’est ce qu’on appelle un choix » écrit Jean Sévillia. Certes, et tout est dit. »
Liens web :
http://cvuh.blogspot.fr/2012/08/vague-brune-sur-lhistoire-de-france.html
Liens video :
http://www.dailymotion.com/video/xteqqc_dimitri-casali-histoire-de-france-interdite-2012_webcam