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1 septembre 2012 6 01 /09 /septembre /2012 17:39

L’histoire ne va pas de soi. Penser une période historique, qu’est-ce que cela signifie ? Lorsqu’un historien intervient à la radio pour parler d’un événement, pour donner son avis sur l’actualité, que fait-il ? Fait-il acte de mémoire, de simple analyste ou fait-il œuvre d’historien ?

 

1. Comprendre

Depuis le début de ce blog, je cherche à m’interroger sur la pratique de l’histoire, sur sa pensée, sur la manière de la faire. Mes débuts dans la recherche, même si ma méthode est imparfaite, me permettent de percevoir la discipline à un niveau supérieur, celui de l’enquêteur. Dès lors, comparer l’historien à un juge d’instruction peut faire sourire, mais l’image reste parlante au grand public. Il faut du temps et de l’organisation. Certes ! Il faut surtout comprendre sa période. Avant de faire de l’histoire, il faut comprendre pourquoi on en fait. Il faut comprendre à quoi ça sert de poser telle ou telle question, d’analyser tel ou tel concept. Pour ma part, ce sont les « rapports de domination » sous la Restauration qui m’ont intéressé pour mon mémoire de recherche. Le XIXe siècle, avec Marx notamment, insiste sur la dichotomie, bourgeois et prolétaires, dominants et dominés. Les rapports entre les deux ont toujours été tendus. Dans l’imaginaire du grand public, il existait une frontière imperméable entre les deux « classes sociales ».

Est-ce que les choses sont si caricaturales ? Si je pose la question, c’est que la réponse risque fort d’être « non ». Il faut comprendre que ce sujet me permet de revenir sur des questions générales : la domination politique (hiérarchie politique, les fonctionnaires, les électeurs, la démonstration et la représentation du pouvoir, fêtes publiques, etc.), la domination économique (la hiérarchie économique, les moyens à leur disposition, les négociants, les ouvriers, les artisans, etc.) et la domination sociale (les élites politiques et économiques, leurs relations, les indigents, les conflits sociaux, les politiques sociales). Finalement, l’apprenti historien que je suis se pose des questions : comment se met en place la domination ? Quels sont les rapports entretenu entre les dominants et les dominés ? L’ascension sociale est-elle possible ? Quel est le degré de contrôle de l’État ? Comment les dominants se détachent-ils socialement des dominés ? Je passe de nombreuses questions et interrogations, mais c’est pour donner une idée.

 

2. Faire

Il faut ensuite faire de l’histoire. Comment ? Avec une méthode sérieuse, apprise à l’université. Faire de l’histoire ne s’invente pas. L’apprentissage est nécessaire. Un bachelier qui sort du lycée ne sait pas faire de l’histoire. Certes, il a fait de l’histoire, dans le sens où il a eu des cours d’histoire, qu’il a fait des dissertations, etc. Seulement, il a fait tout cela à partir de connaissances préétablies. Parfois, le lycéen fera des commentaires de textes, mais sur des textes de dix à vingt lignes. Les explications de textes à la fac n’ont rien à voir. C’est quatre fois plus. Or, faire de la recherche en histoire c’est gérer plusieurs milliers de photos, c’est organiser son travail en fonction d’un plan qui peut changer, c’est accepter de travailler sans savoir ce que l’on va trouver. Au tout début on part s’en avoir de problématique définie, en n’émettant quelques hypothèses, mais sans plus. Certes, j’avais un thème, qui lui-même a évoluer puisque je m’étais porté sur les « rapports de pouvoir » avant d’élargir aux « rapports de domination ». L’objectif est de boucler le mémoire en deux ans, soi presque en deux fois moins de temps qu’une thèse. Il ne faut donc pas avoir un sujet trop difficile, impossible à faire, mais il ne faut pas non plus avoir un sujet circonscrit, qui ne présente aucune ouverture.

En effet, faire de la recherche historique, c’est aussi accepter de tâtonner, d’ouvrir des dossiers parfois déjà aborder, mais un mémoire est censé apporter des choses nouvelles. Dès lors, tous les aspects d’un sujet ne pourront pas être forcément abordés. Il faut toujours jongler avec cela, c’est-à-dire laisser volontairement de côté un aspect pour en approfondir d’autres. Il faut motiver ses choix aussi. Tout cela rentre dans la complexité de la recherche, même si, souvent, les gens extérieurs n’ont pas conscience des difficultés. Ses difficultés ne sont pas descriptibles, elles se vivent au quotidien, car le chercheur a très peu de temps pour lui. Il lui faut travailler le soir, parfois jusqu’à trois heures du matin. L’étudiant en master de recherche doit accepter de sacrifier ses vacances pour s’enfermer aux archives. Il faut aimer ça. Faire de l’histoire c’est donc à la fois la méthode, le choix du sujet et son évolution, et la recherche en archives proprement dites.

 

3. Penser

Je voudrais revenir sur la question de départ : penser une période de l’histoire, qu’est-ce que cela signifie ? Cela englobe les deux points que je viens d’aborder : comprendre et faire. D’une part, il faut comprendre ce que l’on cherche à savoir sur la période en question (émettre des hypothèses) et il faut circonscrire son sujet (international, national, local). D’autre part, il faut faire sa recherche historique en fonction de méthodes universitaires, en fonction de la bibliographie connue sur le sujet et en fonction des documents qui se trouvent en archives. Enfin, il faut accepter d’y consacrer le plus de temps possible.

Penser une période historique c’est la comprendre en faisant de l’historien, en entrant au cœur des événements. Les documents permettent de faire connaissance avec des personnages connus et inconnus. Bref, c’est accéder à une part de l’histoire plus méconnu du grand public que même les livres de vulgarisation ne transmettent pas. La lecture des thèses permet de comprendre un peu mieux les mécanismes de la recherche, de la construction de la discipline. Juger le travail d’un historien présuppose de connaître le mécanisme de la construction de la connaissance historique. Défendre une thèse sans nuancer le moins du monde, avancer des éléments qui s’avèrent invérifiable ou extravagants, tout le monde peut le faire. En revanche, être capable de critiquer ses sources, de faire la part des choses lorsqu’un contemporain de la période témoigne, cela c’est déjà faire œuvre d’historien, du moins de quelqu’un qui se soucie de différencié le personnel de l’impersonnel. Un fait transparaît dans un témoignage, mais le témoin est rarement neutre.

 

Pour conclure, il convient de marteler ici que comprendre le passé, c’est aussi traiter des documents. On ne fait d’histoire sans documents où on ne fait pas d’histoire uniquement avec des témoignages. Beaucoup de choses peuvent servir au chercheur, peuvent servir de pièces à conviction pour le juge d’instruction. Enquêter, c’est rassembler, c’est aussi parfois donner son avis et interpréter les pièces qui ont été misent au dossier afin de leur donner un sens, qui ne doit être ni à charge, ni à décharge, mais le plus neutre possible.

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  • : Ce blog a été créé par un étudiant en histoire et sociologie de l'Université du Havre. Il propose des articles allant du travail universitaire (exposé, compte-rendu...) à l'analyse spontanée de l'actualité... Il est donc à la fois objectif et subjectif, partial et impartial, méritant la plus grande prudence concernant les analyses de l'actualité notamment car elles sont parfois politiquement orientées.
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