« C'est vraiment l'Enfer sur Terre. Les gens, on les attache à travers le couloir et puis c'est l'électricité, on les frappe à mort, ces gens sont méconnaissables. C'est véritablement de la torture à la chaine, et puis ces gens sont éliminés. Il y avait des gens qui étaient morts dans ce couloir. Et à Damas aussi, les cellules étaient pleines, les gens hurlaient toute la nuit, c'était infernal » raconte Pierre PICCININ, historien et politologue. Il explique que tout fonctionne comme si de rien était. Il a pu obtenir un visa de touriste et il est encore possible, pour des non-occidentaux, d'avoir un visa de journaliste. La Syrie n'est donc pas totalement fermée. Mais cela est une illusion car la réalité est tout autre. Le peuple syrien, déjà, est divisé. La majorité soutien encore le régime devant la peur de la montée de l'islamisme.
Une situation problématique...
a)Des crimes dans les deux camps
Les Salafistes commettent des crimes aussi affreux que les loyalistes. Ils tuent leurs opposants et mettent les morceaux des gens dans des sacs. C'est véritablement horrible. Quant à l'armée, elle tue à balles réelles des manifestants pacifistes, sans armes (ou quelques cocktail molotov). Les tortures, comme nous venons de le voir, sont terribles. En fait, la terreur règne partout et dans les deux camps sont perpétués des massacres. Tout cela, c'est le quotidien depuis des mois. C'est la triste réalité de la décrépitude de l'être humain. Dans les prisons gouvernementales, c'est une industrie de la torture, ressemblant bien davantage aux pratiques nazis, qu'à des pratiques d'un État démocratique.
b)Comprendre pose problème
Intervenir militairement ne serait pas nécessairement une solution car la question est de savoir à qui profiterait la guerre et comment faire pour empêcher les fondamentalistes musulmans de faire régner la terreur dans le pays, notamment envers les Chrétiens, communauté importante en Syrie. C'est le premier problème. L'autre problème, pour comprendre la situation, c'est la « guerre des chiffres ». En France, la source principale, que l'on voit apparaître dans la presse, c'est l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Or, cet organisme est critiqué par les historiens et les chercheurs en général, pour ses nombreuses fausses informations. Ajoutons que Al-Jazeera, la chaîne de télévision du Qatar, favorable à la rébellion depuis le début de la Révolution syrienne, fait de la propagande, donnant des informations non-vérifiées.
…et qui s'enlise
a) Un échec de la diplomatie...
L'enlisement du plan Annan en Syrie, l'opposition entre la France et les États-Unis d'un côté, et l'Allemagne et la Russie d'un autre côté, laisse présager du pire. Poutine s'étouffe dans ses bons sentiments, faisant croire qu'il est favorable à une « solution politique », la plus démocratique possible, alors même qu'il vend des armes en sous-mains au régime de Bachar al-Assad. Il veut ralentir les choses, refusant, comme la Chine, les sanctions à l'encontre de la Syrie. À l'inverse, Hollande se montre plutôt favorable à une intervention armée. « Le régime de Bachar al-Assad s'est conduit de manière inacceptable, intolérable. Il a commis des actes qui le disqualifie. » (Hollande, 1er juin 2012)
b)...que la propagande arabe et occidentale accentue.
La complexité de la situation est aussi dû à la désinformation du régime syrien et à sa manière même d'agir, de laisser croire qu'il ne sa passe rien, mais elle est aussi dû à Al-Jazeera qui est dans la veine inverse, comme nous venons de le dire, donnant de faux chiffres sur les manifestants et sur la réalité des violences. Dès lors, essayer de décrypter le vrai du faux est très difficile.
Une « révolution arabe » comme les autres
a) Les causes du conflit.
Alain GRESH, pour Le Monde Diplomatique rappel les causes du conflit : le refus d'un régime autoritaire, l'ampleur de la corruption et le poids de la jeunesse (particulièrement en Syrie). Il montre aussi – où rappel, là encore – que c'est Bachar al-Assad qui a mis en place les conditions de la révolution, en ne prenant pas en considération les revendications de l'opposition, en torturant et en réprimant dans le sang des manifestations pacifiques. Répéter tout cela est utile pour bien comprendre, tout de même, que la cause de la rébellion ce ne sont pas les américains et les occidentaux, comme le cri haut et fort Bachar – du reste, Ahmadinejad fait la même chose – mais c'est sa propre politique irresponsable et autoritaire, son propre refus de promouvoir des avancées démocratiques, alors même qu'il était plutôt populaire. En Europe, il a séduit un Sarkozy, qui voyait en lui quelqu'un d'un peu plus fréquentable, mais surtout un partenaire économique intéressant.
b)L'ambiguïté des relations occidentales avec la Syrie
Citons Alain GRESH qui, en quelques phrases résument parfaitement l'ambiguïté des positions des pays occidentaux opposés à la Syrie (cela ne signifie pas qu'il faille prendre parti pour al-Assad, mais un peu d'objectivité est utile quelque fois) : « Qui peut croire une seconde, en effet, que le régime saoudien cherche à instaurer la démocratie à Damas, lui qui ne reconnaît aucune assemblée élue ? Lui dont le ministère de l’intérieur vient de déclarer que les manifestations dans l’est du pays étaient « une nouvelle forme de terrorisme » ? Qui peut penser que les libertés sont le motif des déclarations des Etats-Unis, eux qui n’hésitaient pas à envoyer des « terroristes » arrêtés par eux se faire interroger en Syrie (pratique connue sous le nom anglais de rendition), parce que ce pays utilisait la torture ? Qui peut croire que la démocratie est le souci de Nicolas Sarkozy, lui qui recevait Bachar Al-Assad à Paris en juillet 2008 et lui rendait visite en septembre, soutenait les dictateurs tunisien et égyptien et ne disait mot du massacre de Gaza lors de l’invasion israélienne de décembre 2008 ? Une petite anecdote significative : en ce temps-là, les journalistes du Figaro avaient reçu pour instruction de leur direction de ne plus évoquer dans leurs articles les prisonniers politiques en Syrie. Pour tous ces pays, et pour Israël l’objectif est de renverser un régime allié de l’Iran, dans le cadre de la préparation d’une offensive contre ce pays. » (Le Monde Diplomatique, 23 février 2012).
Une insidieuse propagande :
dans les deux camps !
Laissons encore la parole à Alain GRESH car il explique bien mieux que nous les dessous de toutes les machinations politiques et médiatiques. En effet, comme ce fut le cas en Libye, et je me suis laissé piéger, prendre au jeu de l'abattage médiatique, il y a des forces, puissantes, qui ont intérêt à faire du bourrage de crâne une politique intensive.
a)La « bataille de la propagande ».
Alain GRESH explique : « La bataille pour la Syrie est aussi une bataille de propagande. Le régime l’a perdue depuis longtemps, tant ses affirmations sont souvent grotesques, ses mensonges patents et ses pratiques barbares. Pour autant, les informations qui déferlent 24 heures sur 24 sur toutes les chaînes de radio et de télévision, et qui n’ont souvent qu’une seule source, l’opposition à l’extérieur du pays, sont-elles vraies ? Longtemps les médias ont rejeté les informations sur la mort d’officiers et de policiers, elles sont aujourd’hui avérées ; depuis un an, régulièrement, les médias annoncent que la contestation a atteint Damas. On ne peut que regretter la mort de deux journalistes à Homs et rappeler que le régime, en interdisant la plupart du temps aux journalistes de venir ou de se déplacer, contribue à ce qu’il prétend dénoncer. On trouvera ici un rapport qui, certes, peut être contesté sur tel ou tel de ses points, mais offre une enquête sur le terrain qui aurait mérité un peu plus d’attention : « Syrie, une libanisation fabriquée », CIRET-AVT et CF2R, 11 février 2012. » (Le Monde Diplomatique, 23 février 2012).
b) Une communication déplorable.
Le rapport du CIRET-AVT, dont le lien a été mis dans les sources, est effectivement intéressant puisqu'il revient sur les origines du conflit, sur les événements pour l'année 2011, sur l'opposition au régime, sur la réaction du régime et surtout la dimension médiatique et internationale du conflit syrien. Sur ce point, citons cet extrait très instructif, et qui dénote pour le coup totalement avec les pratiques, rodées, des démocraties occidentales : « Les plans de communication du gouvernement syrien visent prioritairement l’opinion intérieure et, seulement à la marge, les opinions internationales. Les rares tentatives se sont avérées relativement contre-productives. Manque de préparation, non maîtrise des éléments de langage et du « timing » de la programmation, ces opérations se sont, presque chaque fois, retournées contre les autorités de Damas. L’exemple du genre est la fameuse interview accordée par le chef de l’Etat syrien à ABS-News, le 6 décembre 2011. S’emmêlant les propos entre les responsabilités de l’armée et ses propres responsabilités de président, Bachar al-Assad donne le spectacle d’un double manque de maîtrise : du discours d’abord et, plus dommageable, de la gestion sécuritaire de la crise sur le terrain. Le service de presse de la présidence devra programmer des émissions spéciales sur la TV nationale afin d’expliquer ce que voulait vraiment dire le président. Ses communicants tenteront aussi de dire pourquoi et comment la chaine ABS‐News, reprise par les médias du monde entier, a trahi son propos en diffusant des citations tronquées et quasiment incompréhensibles. Nombreux, du reste, sont les membres du gouvernement syrien, dont certains très proches de Bachar al-Assad à le reconnaître : « nous ne savons pas communiquer ! ». » (p.38)
Toujours est-il qu'une intervention militaire occidentale pourraient entraîner une bien plus grande guerre dans la région, faisant peut-être entre l'Iran dans la bataille. Dans ce cas, l'intervention d'Israël serait presque inévitable, l'Europe et les États-Unis se devant de choisir leur camp, tout comme la Russie et la Chine. Bref, une guerre mondiale. Mais heureusement, nous n'en sommes pas encore là !
SOURCES :
http://blog.mondediplo.net/2012-06-01-Syrie-arreter-la-course-a-l-abime
http://www.franceinfo.fr/monde/un-chercheur-belge-emprisonne-en-syrie-raconte-l-enfer-sur-terre-625547-2012-05-24
http://blog.mondediplo.net/2012-03-14-Syrie-medias-et-mensonges
http://blog.mondediplo.net/2012-02-23-A-propos-de-la-Syrie
http://www.cf2r.org/images/stories/RR/rr11-syrie-une-libanisation-fabriquee.pdf