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Cet exposé a été noté très sévèrement, car il s'agissait normalement d'un commentaire de document. En fait, c'est un très joli "raté" et c'est pourquoi je me permets de le mettre sur le blog. L'erreur est d'avoir disserté au lieu de commenter. Dès lors, la problématique et le plan sont inadaptés pour l'exercice du "commentaire". Bien sûr, certaines règles du "commentaire" comme la présentation de l'oeuvre et de son auteur. Le contexte religieux est également évoqué.  

 

INTRODUCTION

 

« Païens » et « paganisme » sont des réalités chrétiennes. Pour un chrétien, le païen est un ignorant et un idolâtre corrompue par le péché originel et « assis dans les ténèbres à l'ombre de la mort » (Luc, I, 79). C'est aussi une créature « unique » de Dieu. De ce fait, le païen a un espoir de sauver son âme. Évidemment, cette vision des païens par les chrétien occulte une réalité sémantique plus complexe. Les « païens » ce sont les « gens de l'endroit », ceux qui gardent leurs coutumes locales. Le « paganisme », de ce fait, « a été un ensemble de religions liées à l'ordre établi » (Chuvin). Au IVe Siècle nous pouvons parler d'une mutation car « le pouvoir se détache des anciens cultes, mais avec le souci de préserver l'ordre » (Chuvin). Toutefois, la « mort » politique du paganisme au IVe siècle ne signifie pas sa déchéance totale. Les païens ont encore les moyens de réagir face à la « mort » politique de leur « religion ». Ils auraient mêmes pu songer à proposer un substitut au christianisme : le Soleil, par exemple. Dans son discours Pour les templesadressé en 386 à Théodose Ier, Libanios, rhéteur et sophiste né à Antioche vers 314, nous donne une multitudes d'éléments pour essayer de comprendre les questions religieuses de son temps. En nous appuyant sur des extraits de son texte, nous allons tenter d'esquisser un panorama des grands enjeux religieux du IVe siècle tels que la question de la tolérance religieuse, des païens face à la christianisation, de la diversité du paganisme ou encore les questions de la « réaction » païenne et du rapport des « élites » au paganisme. À travers ces questions, mon objectif est à la fois de vous faire comprendre la complexité religieuse du temps et la raison pour laquelle les païens ont « raté » l'occasion de trouver une alternative à leur « religion ». Pour commencer, nous allons rapidement aborder l'attitude des empereurs chrétiens face au paganisme puis nous questionneront les rapports de force régionaux entre païens et chrétiens, mais aussi entre païens et juifs, et enfin, nous nous intéresserons à la diversité des cultes païens.

 

I. LA « MORT » DU PAGANISME ?

 

1.Les empereurs « chrétiens »

 

Au IVe siècle, les empereurs chrétiens laissent subsister les fêtes païennes tout en interdisant le rituel. C'est une période complexe durant laquelle des drames humains ont lieu du côté des païens et du côté des chrétiens. En toute logique, nous pouvons penser que l'importance de la législation impériale concernant les affaires religieuses traduit avant tout un souci d'ordre public [Chuvin]. Pour autant, la fin « officielle » des persécutions ne met pas fin aux violences locales de chrétiens à l'égard de païens, de Juifs à l'égard de païens ou de païens à l'égard de chrétiens et de Juifs. L'attitude modérée de Constantin (306-337) à l'égard de l'aristocratie romaine, majoritairement païenne, reflèterait la politique de tolérance religieuse affichée par les empereurs avec l'édit de Galère en 311 ; édit renouvelé par Constantin et Licinius en 313. Chez Constantin ont retrouve cette volonté de mettre de l'ordre dans les pratiques religieuses quotidiennes en épurant le culte traditionnel de toutes ses « superstitions ». Il met donc fin aux sacrifices nocturnes, condamne certaines forme de magie, comme la divination, et prohibe certaines formes d'haruspices (c'est-à-dire des formes de divination par les entrailles des animaux sacrifiés). Il réalise même, en 331, un inventaire des temples dont il va confisquer une partie des biens. Certains édifices seront mêmes changés en églises. Aux lignes 15 et 16, Libanios parle de la diminution et de l'appauvrissement des temples à Constantinople, ville inaugurée en 330. Peu à peu, la politique religieuse des empereurs chrétiens semble se durcir, notamment avec le fils de Constantin, Constance II (337-361). Celui-ci, ouvertement antipaïen, met fin aux sacrifices en 341 comme le mentionne Libanios aux lignes 23 et 24, mais prends, l'année suivante, des mesures contre le pillage des temples.

Néanmoins, après avoir fait preuve d'une relative tolérance au début de son règne, Constance II durcit sa législation dans les années 350. En 353, 354 et 356, trois lois réaffirment l'interdiction des sacrifices et la fermeture des temples. Ces lois sont inégalement appliquées en fonction du lieu, du contexte et de l'empereur. Symboliquement, en 357, Constance fait retirer l'autel de la Victoire de la salle des séances du Sénat à Rome. Valentinien Ier (364-375) et Valens (364-378), tout en se montrant tolérants, « ont laissés le souvenir d'empereurs policiers et répressifs » (Chuvin). Libanios nous dit que « les sacrifices durèrent encore un temps, mais des évènements imprévus étant survenus, il y eut interdiction de la part des deux frères » (l.27-29). Ces « évènements imprévus » dont il parle font directement référence à l'affaire des sorciers d'Antioche. Cette affaire implique deux courtisans poursuivis pour magie et divination. Sous la torture, l'empoisonneur qu'ils ont engagé révèle qu'un ancien gouverneur, Fidustius, aurait cherché à connaître le nom du successeur de Valens. Celui-ci déclare que le nom du prince commencerais par Theod-. Antioche va se transformer en « abattoir ». « Pendant que se déroule cette « chasse aux devins », nous raconte Chuvin, Libanios se fait tout petit et détruit les doubles de sa correspondance à partir de l'été 365, date d'une tentative d'usurpation par un païen, cousin de feu Julien » (p.58). Libanios échappe même à des affaires de magie dans lesquelles il aurait pu être compromis.

 

2.Païens, chrétiens et juifs

 

L'attitude des païens face aux chrétiens, et à la christianisation en générale, est loin d'être facile à appréhender. Libanios nous donne fort peu de détail à ce sujet, si ce n'est que la christianisation semble leur être imposée par le pouvoir impérial et qu'il l'accepte difficilement. Lorsqu'il écrit son discours Pour les temples en 386, la politique religieuse de Théodose Ier est plus tolérante que celle de ces prédécesseurs. Il se plaint de « la pauvreté [qui] régnait sur les temples » (l.15-16). Sur ce point, nous pouvons dire que les païens restent majoritaire dans dans les campagnes, comme en Gaule où dans la région d'Antioche. Même en Afrique, majoritairement chrétienne, les troubles sont nombreux et Augustin, évêque d'Hippone, est obligé d'appeler les chrétiens à respecter la loi. La violence est monnaie courante des deux côtés. L'évêque d'Alexandrie, Georges, va faire purifier un mithraeum(temple de Mithra) lorsque l'empereur l'autorise, mais il sera tué par les païens lorsque l'empereur en place est favorable au paganisme. En Palestine, par exemple, le rapport de force entre les païens et les juifs sera beaucoup moins violent, les rabbins étant plus tolérant que les évêques à l'égard du paganisme. Toutes ces questions de relation entre païens et chrétiens, païens et juifs, mettent en second plan un autre aspect important du paganisme au IVe siècle qui est sa pratique et la diversité des divinités.

 

3.La diversité des cultes païens

 

Chaque région à ses cultes, chaque ville est patronnée par un dieu. À Antioche, c'est Zeus. Libanios, dans l'ensemble de ces textes, nous permet de comptabiliser une quinzaine de divinités dont le culte est encore pratiqué à Antioche. Libanios fait référence dans ses textes à Apollon, Zeus, Artémis, Arès, Athéna, Calliope, Déméter, Dionysos, Héraklès, Hermès, Minos ou encore Tyché. Il mentionne même un « temple du palais », peut-être dédié à Hélios. On avait plusieurs types de cultes traditionnels : 1)Le culte familial, qui restait le plus important et qui consistait dans le culte des ancêtres défunts. Ces dieux familiaux possédaient une chapelle, le lararium,placé d'abord dans l'atrium, puis dans le péristyle. Le père de famille reste le « prêtre » de ces cultes. 2) Le culte « populaire », quant à lui, est l'expression spontanée d'un besoin religieux qui se traduit par des fêtes et des réjouissances. 3) Le culte sacerdotal, lui, était célébré à l'initiative des associations de prêtres voués à un culte particulier et invitant le peuple à des cérémonies fixes. 4) Le culte public, enfin, était celui de l'État. Il était soumis au contrôle et à l'initiative des collèges sacerdotaux, et spécialement du PontifexMaximus, c'est-à-dire de l'empereur lui-même. Tous les citoyens participaient théoriquement au culte qui suivait un rituel précis. La cérémonie du culte des morts, par exemple, commençait par une procession et se terminait par un sacrifice et un banquet. Le sacrifice, au IVe siècle, reste le rite le plus important pour les païens.

De nouveaux cultes apparaissent, comme celui de Mithra ou de Sol (Hélios) qui traduisent un attrait des païens pour les divinités orientales qui mettent davantage en avant la prééminence d'un dieu sur les autres. Dans sa pratique religieuse, Libanios met en avant l'importance des rites car ceux-ci permettent à la puissance des dieux de s'appliquer, cela pour deux raisons :pour ne pas avoir à subir les conséquences d'un outrage aux dieux et pour bénéficier de la puissance du dieu que l'on invoque. Ces pratiques relèvent de « constructions mentales » que les hommes ont découvertes au cours des siècles. Les dieux interviennent dans le monde et les sanctuaires sont censés recevoir leur culte afin de les honorer. Libanios avait recours au dieu guérisseur Asklépios qui avait un grand sanctuaire en Cilicie. Certains païens modérés, dont Libanios fait partie, rejetaient les sacrifices sanglants (ceux des animaux), mais aussi dénonçaient l'influence du christianisme sur le paganisme. Ils rejetaient la forme de syncrétisme (= dans le sens d'un mélange d'influences) qui semble s'être mise en place au cours du IVe siècle. Face à se mélange d'influences, les païens vont tenter de réagir sans pour autant rentrer dans le fanatisme.

 

II. LA « RÉACTION » PAÏENNE ?

 

La « réaction païenne » va prendre deux formes : la « réaction » modérée et la « réaction » spectaculaire.

 

1.La « réaction » modérée

 

Libanios, rhéteur et sophiste, illustre bien les contradictions auxquels fait face le païen modéré de ce siècle de mutation. En effet, Libanios n'est pas favorable au christianisme (qu'il considère comme une « erreur de la nature »), mais il reste tolérant et dénonce les excès lorsque cela lui paraît nécessaire. Dans les faits, il n'hésite pas à prendre la défense des chrétiens. Il est donc soucieux de préserver sa liberté de culte, mais il reste respectueux des lois, même si celles-ci entravent cette liberté. Libanios, dans le discours XXX, explique : « Cette exception [pour l'encens] du moins fut aussi confirmé par ta loi [celle de Théodose], de sorte qu'il nous faut moins pleurer ce dont nous avons été privés que nous réjouir de tes concessions » (l.29-32). Libanios est ici assez critique et essaie de montrer à l'empereur le désarroi des habitants face à la destruction par les chrétiens des temples aux alentours de la ville d'Antioche. Il y a une sorte de résignation à la fin des extraits étudiés. Libanios dis à Théodose : « si tu approuves et permets de tes actes, nous les supporterons non sans douleur et nous montrerons que nous avons appris à obéir » (l.51-53). On perçoit ici une sorte de résistance « passive ». On proteste sans véritablement remettre en cause l'autorité religieuse de l'empereur. L'idée que l'empereur ne fait pas grand chose pour protéger les temples transparaît également dans l'expression, ligne 44, de « butin de Mysiens ». Cette expression vient des Mysiens, que l'on disait décadent et efféminés, et désigne une proie facile. Les temples sont une proie facile pour ces « hommes vêtus de noirs » (l.36). Libanios en rajoute, parlant de « mépris de la loi ». Il met même en garde Théodose affirmant que face à « ces brigands » (l.54), « les propriétaires des campagnes défendront et leurs biens et la loi. » (l.56-57) La référence « aux propriétaires des campagnes » illustre une idée déjà esquissée d'une plus grande résistance des campagnes face aux chrétiens. Il dit, dans une autre partie du discours, que « la population rurale sacrifie en toute innocence » et précise que ces « agriculteurs continuent à égorger des bœufs pour faire un banquet, en faisant bouillir et rôtir des parties ». Pour lui « ils ne transgressent en rien la loi ». Ces formes de « résistances » ne sont pas isolés. Les païens s'adaptent à législation en donnant un sens plus profane à des pratiques religieuses. Le texte de Libanios ne parle pas de deux choses importantes : la « réaction » païenne de Julien et le rapport des « élites » au christianisme. Nous aborderons rapidement ces deux points afin de faire le tour du paganisme au IVe siècle.

 

2.La « réaction » de Julien

 

La seule référence à Julien dans le discours de Libanios est implicite : « Ce qu'il fit ou voulu faire, je n'en parle pas pour le moment ». Nous savons qu'il était un ami de Libanios. Partant de là, il m'apparaît hasardeux de ne pas parler du tout de Julien. Celui-ci fut César (355-360), un temps usurpateur (360-361) et enfin empereur (361-363). Certainement élevé dans la foi chrétienne, il se serait converti secrètement vers 351 comme il le dit lui-même. Curieusement, une fois empereur, il effectue un spectaculaire revirement vers les cultes traditionnels. Il met en place une politique de restauration des cultes païens. Toutefois, que faut-il exactement entendre par « restauration des cultes » ? La restauration des cultes n'est pas « un combat d'arrière-garde » et nous pouvons facilement dire que le paganisme pouvait encore survivre, voire revivre. Julien remet à l'honneur les sacrifices. À Antioche, il souhaite reconstruction du péristyle du temple d'Apollon. Toutefois, celle-ci est ponctuée d'un incident avec la communauté chrétienne suite au retrait des restes d'un martyr. Julien ne sera jamais un persécuteur des chrétiens. En fait, il souhaite restituer aux païens les droits que l'édit de 313 accordaient aux chrétiens. Cette tolérance religieuse, il l'a revendique dans sa Lettre aux Édessiens (habitants de la ville d'Édesse, actuellement en Turquie) dans laquelle il affirme respecter l'esprit du polythéisme. Pour Julien, mais aussi pour Libanios, les païens convertis au christianisme ont été victimes d'un « égarement », d'un « errement de l'âme » ou d'une maladie (nasos). C'est une sorte de retour « à la normale », à la religion des ancêtre que souhaite Julien. veut ramener ses sujets à la raison.

 

3.Les « élites » et le paganisme

 

Les pratiques des “élites” vont entraîner une autre forme “réaction” païenne, à la fois politique et intellectuelle. Les milieux aristocratique et lettré sont alors les principaux piliers de cette « résistance » païenne.C'est le « choc » entre philosophie païenne et pensée chrétienne qui nous intéresse. La relation des « élites » romaines au christianisme reste fort intéressante. Par exemple, le Sénat passe pour être très conservateur et les sénateurs majoritairement païens. Même après conversion de Constantin, l'aristocratie romaine serait resté majoritairement païenne par pur patriotisme. De plus, des cercles païens se réunissent toujours au-delà du IVe Siècle. Les réunions de ces cercles tournent autour de discussions philosophiques et religieuses. L'élément centrale de cette sociabilité païenne reste « l'école ». Libanios possédait une « école » à Antioche dans laquelle il enseignera trente-cinq ans durant. Certains lettrés « païens » combattent ouvertement le christianisme, comme le Pseudo-Apulée qui n'hésite pas à annoncer dans son Asclepius la « fin de l'univers » si le paganisme venait à disparaître. On cherche à faire peur aux païens. Le rétablissement de l'autel de la Victoire dans le Sénat en 393 fut éphémère puisque la politique de l'usurpateur Eugène sombra avec la victoire de son adversaire Théodose en 394. Ce fut le dernier sursaut du paganisme. Hadot, en 1968, dans son Porphyre et Victorinus, nous montre l'importance de l'influence du néo-platonicien Porphyre. Porphyre, païen, a influencé le rhéteur Marius Victorinus, païen converti au christianisme en 356, qui a lui-même eut un impact sur la pensée de saint Augustin, qui sera évêque d'Hippone. Augustin fut attiré par le néoplatonisme avant de se convertir vers 387.

 

CONCLUSION

 

Le christianisme s'est davantage « adapté » au paganisme qu'il n'a cherché à s'imposer par la force. Au IVeSiècle, face à la christianisation de l'Empire, les « païens », parmi lesquels des membres de l'aristocratie sénatoriale, vont afficher une position plus radicale, quitte à défendre un « paganisme de combat » [Goldlust, Ploton-Nicollet]. Les chrétiens sont mêmes partagés sur l'attitude à adopter à l'égard du paganisme. Faut-il pour autant voir dans ce processus un événement « inapproprié » aux mentalités antiques ? Finalement, une norme ancienne peut-elle revivre ? En fait, les païens esquissent déjà au IVe siècle la voie du monothéisme en mettant en avant un dieu, tel que Sol (Hélios), tout en continuant de vénérer les autres dieux. L'État a ainsi cherché à favoriser un processus d'unification religieuse qu'il devait atteindre par l'unité spirituelle et confessionnelle. Au final, ce fut le christianisme qui triompha politiquement du paganisme, mais la lutte fut acharnée et comme le montre Ramsay MacMullen, le paganisme perdurera jusqu'au VIIIe siècle, principalement dans les campagnes.

 

Simon Levacher,

Licence 2, 2010-2011

Université du Havre

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