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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 23:37

La plupart des sociétés humaines doivent faire au phénomène de la violence sous des formes diverses et variées. Dans les sociétés démocratiques nous entendons souvent dire que seul l'État peut posséder le monopole de la violence. La guerre, comme en Libye, est la manifestation d'une forme de violence de masse dont le nom seul provoque l'inquiétude et la peur. En effet, il n'est pas anodin de faire la guerre. L'individu, qu'il soit dans le camp de l'agresseur où de l'agressé, se sent menacer. Il prend rapidement conscience de sa possible disparition violente, de la mort qui guette. Rappeler cette réalité de la guerre ce n'est pas tomber dans cette vision apocalyptique et sur-joué des reportages du Journal de TF1 comme des blogueurs me l'ont fait si gentiment remarqués en m'insultant. Cette question du rapport entre les médias et la guerre, sa perception dans la société, va faire l'objet d'un colloque dans quelques jours à l'université du Havre.

 

Les mauvaises langues comprendront sans problème, je n'en doute aucunement, que la guerre ce n'est pas seulement la manière de la raconter ni la position prise par tout un chacun mais que c'est, également, une réalité sur un terrain donnée avec une violence qu'il est difficile de mesurer sans être sur place. Les guerres, dans l'Antiquité, étaient extrêmement violente et cruelle puisque le vainqueur, le plus souvent, considérait comme normal de massacrer l'adversaire ou de le réduire en esclavage. Néanmoins, en comparaison avec les guerres du XXe siècle, les conflits de l'Antiquité restaient peu meurtrière. Les civils étaient souvent les plus épargnés. Certes, les Barbares du Ve Siècle ont pillés parfois des villes et la démographie en a subi un coup, mais ces phénomènes sont globalement isolés.

 

Toutefois, peu à peu, l'idée émerge d'une guerre qui doit être engagée dans des conditions particulières selon des règles bien définies. La diplomatie va même se complexifier et prends son caractère moderne au XVIIIe s. comme le montre fort justement Lucien Bély dans ses travaux, notamment son livre L'art de la paix en Europe (2007). Le chercheur ne peut pas passer sous silence la question de la diplomatie et des négociations « secrète » entre États avant une guerre et aussi, souvent, pendant. Il ne faut pas être naïfs. Concernant la Libye nous voyions bien que les protagonistes ont des contacts alors même que les bombardements sont en cours et que des gens sont tués. Pascal, dans la pensée 87, nous explique : « Le plus grand des maux est les guerres civiles. Elles sont sûres si on veut récompenser les mérites, car tous diront qu'ils méritent. Le mal à craindre d'un sot qui succède par droit de naissance n'est ni si grand, ni si sûr ».

 

Montaigne, plus catégorique, disait : « Rien ne presse un État que l'innovation : le changement donne seul forme à l'injustice et à la tyrannie. Quand quelque pièce se démanche, on peut l'étayer : on peut s'opposer à ce que l'altération et corruption naturelle à toutes choses ne nous éloigne trop de nos commencements et principes. Mais d'entreprendre à refondre une grande masse et à changer les fondements d'un si grand bâtiment, c'est à faire à ceux qui pour décrasser effacent, qui veulent amender les défauts particuliers par une confusion universelle et guérir les maladies par la mort. » Déclarer la guerre revient à donner une permission de tuer autrui. Mais qu'est-ce qu'une déclaration de guerre dans le cadre d'une guerre civile si ce n'est un « règlement de compte » ?

 

Le principe du règlement de compte est simple : se faire justice soi-même et, dans le cas de Khadafi, au nom du droit et de la Constitution (le Livre verts qui n'est autre que ses citations). La déclaration de guerre change pas mal de choses dans les relations internationales. Le XIXe Siècle est le champion de cette pratique. Elle est codifiée avec tout un jeu et un processus diplomatique : d'abord, on fait convoquer l'ambassade du pays avec lequel on est en tension et on lui demande des explications ou on lui fait des reproches ; ensuite, on renvoie ce diplomate chez lui puis on adresse un ultimatum au pays en question. Pour être menée, la guerre doit être décidée et organisée par une autorité reconnue. L'État entre ici en scène. Certains individus, au sein de la société, sont payés par l'État pour faire de la diplomatie.

 

Au début du IIIe millénaire, la multiplication des conflits régionaux, voir inter-régionaux, permettent à Dominique David de parler d'un nouveau genre de guerre. « Le débat, dit-il, ne fait que commencer sur cette nouvelle sorte de guerre : opération de police basée sur la maîtrise morale et technique de la communauté internationale. Ce concept exige des structures internationales de légitimation et de décision, et la possibilité, pour les politiques et les militaires, de faire une guerre différente de celle que nous connaissons depuis des siècles. » [David, 2000]. N'est-ce que font les Étatsè-Unis ? N'est-ce pas ce que fait l'Arabie Saoudite au Bahreïn ? N'est-ce pas finalement ce que fait la France en Côte-d'Ivoire ? N'est-ce pas ce qu'a fait la Russie en Géorgie ? Les exemples sont multiables...

 

 

Finalement, le jeu de la guerre et de la paix ressemble assez bien à un jeu d'échec. Souvent, un adversaire perd et le gagnant parvient à un retentissant « échec et mat » mais, de plus en plus aujourd'hui, le gagnant de fait que « mat ». Bref, il gagne sans bloquer véritablement le roi. En Libye c'est actuellement cette situation là qui se dessine. Mais pour faire la guerre, il faut une armée. Certains États ont des armées de métier, des armées de conscrits ou des armées de mercenaires (c'est le cas des hommes de Khadafi). Il faut savoir que l'emploi de mercenaires et de conscrits c'est le mode de recrutement d'une armée le plus utilisée au cours de l'histoire et qui existe encore aujourd'hui, indirectement ou directement, dans les pays démocratiques. En effet, tout français et toute française ayant fait sa Journée d'Appel à la Défense peut être appelé à combattre en cas de guerre et sur décision des autorités.

 

Le rôle des soldats est de se battre, au nom d'un État ou d'une Institution ayant la même valeur symbolique, pour une cause qu'il considère comme juste et légitime. C'est une position complexe puisque Khadafi estime être dans son bon droit de massacrer la rébellion qui est une offense à son pouvoir, puisque les insurgés ne veulent plus d'un dirigeant qu'ils considèrent comme un dictateur, puisque, enfin, les Occidentaux, au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, avec un mandat des Nations-Unis, soutiennent la révolution contre Khadafi. Les médias se sont emparés de cette guerre pour en faire la une des journaux. J'ai moi-même pris position en faveur de la résolution du Conseil de Sécurité pour éviter ce qui était un début de massacre. En aucun cas j'ai soutenu le bombardement massif de Tripoli et des villes encore favorable au Colonel.

 

La perception d'un conflit par les populations concernés changent parfois très radicalement l'engagement du pays, selon le camp et la position dans laquelle elles se trouvent. Il par exemple très facile de s'opposer à l'intervention en Libye arguant que la France a léché les bottes de Khadafi par le passé et que c'est donc hypocrite. Tout cela, bien sûr, sans tenir compte des civils massacrés par les chars des loyalistes, des femmes violées par les miliciens parce qu'elles sont suspectées d'on ne sait trop quoi... Bref, un régime clairement dictatorial, aux antécédents sans appels. Alors c'est vrai, pourquoi la France est en guerre, au nom du mandat de l'ONU rappelons-le ? Lorsqu'un pays entre en guerre, nous supposons que les dirigeants font un calcul rationnel, notamment en prenant en compte le rapport entre les coûts et les avantages. Si les solutions de sorties de guerre sont plus élevés que les coûts alors il est possible d'y aller.

 

Concernant la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, c'est beaucoup moins évident puisque tout semble avoir été très vite et il n'y a pas eu de véritable préparation. Bref, comme le pense beaucoup de gens, les coûts et les avantages, ne sont pas les questions misent en avant lors de la préparation d'une guerre. Souvent, les attaquants regardent les coûts qu'ils peuvent infliger à l'adversaire mais ils ne se préoccuperont que très rarement de l'impact financier, humanitaire et politique que le conflit aura. En Libye, par exemple, comme l'expliquait quelques économistes dans les médias, le France n'avait aucun intérêt à faire la guerre puisque les puits de pétroles étaient aux mains des insurgés que Khadafi massacraient joyeusement. Autant laissez faire et pas de problème pour les puits de pétroles et les contrats signés avec la Libye. Or, la France s'est rangée dans la coalition contre Khadafi.

 

La perspective de paralyser l'économie n'est donc pas un critère qui rentre en compte dans la déclaration d'une guerre puisque la France risque de perdre bien plus qu'elle ne risque de gagner en envoyant des bombes sur la Libye. Finalement, il semble que les diplomates ne pèsent que très rarement le pour et le contre mais qu'ils se battent selon une logique morale, en fonction de certaines valeurs et pour préserver une image, un « standing » international. Les critiques qui se sont abattus concernant surtout Nicolas Sarkozy sont celle d'une volonté électoraliste. Dans ce cas, il s'agit de l'image, c'est-à-dire redorer le blason en s'affichant comme soucieux de la protection des droits de l'homme alors même que la France est un des leaders de la vente d'armes dans le monde.

 

Cette volonté de combattre pour des « valeurs sacrées » est une constante dans les conflits actuels. Lorsque Bush attaque l'Iraq il le fait, selon lui, au nom du droit des États-unis à se défendre contre l'agresseur, c'est-à-dire le terrorisme international. Personnes ne réfléchit au coût humain et les journaux n'abordent jamais la question frontalement, ce contentant de donner le nombre de victimes. En Libye, l'objectif est de faire tomber Khadafi. Pour réussir, les coalisés utiliseront tout les moyens, peu importe le coût humain, matériel et financier. Pour sa vie, le Colonel utilise aussi tout les moyens. Ainsi, en faisant ce discours sur la guerre, sur la violence de celle-ci, sur l'absurdité de la guerre civile et sur la volonté de s'afficher en défenseur de la justice (aider des insurgés se battant pour leur liberté contre un dictateur est mieux que le contraire). La guerre est finalement quelque chose d'irrationnel dont il est difficile de comprendre tout les mécanisme lorsque nous la vivons au jour le jour dans les médias.

 

Maintenant je pose la question à l'envers : qu'auraient-on dit si la France avait envoyé des avions pour bombarder les insurgés ? Les mêmes mauvaises langues qui me reprochent de prendre partie auraient crié au scandale. Après il faut se poser la question suivante : la guerre en Libye engagée par la coalition sous mandat de l'ONU est-elle utile ou non ?

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commentaires

V
<br /> <br /> Bien sûr que non! on ne peut pas asdmettre qu'un homme quel qu'il soit tire sur son propre peuple!<br /> Mais... on savait que cet homme était un peu fêlé...  alors pourquoi lui avoir vendu toutes ces armes?<br /> En core le pouvoor de l'argent et l'espoir de faire encore plus de bénéfices!<br /> L'argent est un mal non nécessaire mais il est une gangrène qui perdra tout le monde!<br /> Bonne soirée et bisous<br /> Viviane<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> En fait, beaucoup se demandent être allé là-bas... J'en parlais avec un ami qui aime bien la géopolique et qui arrive globalement à la même impression que la<br /> mienne : quelle que soit la raison ayant poussé la France et l'Angleterre à attaquer la Libye Sarkozy ne pouvait pas faire autrement pour rester crédible sur la scène internationale... Je ne<br /> voudrais pas rappeler l'affaire Alliot-Marie mais les médias ont comme perdus subitement la mémoire...<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> <br /> Tout ce que tu dis est parfaitement juste...<br /> Pourtant je pense que faire la guerre est une forme de violence bien primitive pour des gens qui se disent évolués...<br /> On peut toujours négocier, argumenter, proposer  et autre propositions, je reste persuadée que la douceur est une forme de résistance bien plus efficace que la violence... elle<br /> emprunte des chemins bien plus lents... mais de pauvres innocents n'en meurent pas...<br /> C'est juste ce que j'en pense et ça n'a sans doute que bien peu de valeur, mes amis disent que je devais être chamane dans une vie antérieure (voilà encore des idées<br /> invérifiables!)<br /> Re-bonne nuit.<br /> Bise<br /> Viviane<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Je suis contre toutes formes de violences, y compris la guerre mais, dans un cas comme la Libye faut-il accepter le massacre des insurgés par Khadhafi ?<br /> Faut-il accepter les meurtres de civils pro-Khadhafi par la coalition ? Il ne s'agit pas de dire si la guerre est bien ou mal mais de comprendre pourquoi elle existe et pourquoi on va la faire...<br /> Ainsi, certains se rassureront en affirmant que le gouvernement y avait intérêt...<br /> <br /> <br /> La douceur - hélà - ainsi que la gentillesse, le respect aux anciens, l'entraide et autres valeurs humaines sont souvent absentes de pas mal de débats<br /> politiens et ce sont des gens comme vous, comme moi, comme beaucoup d'autres, qui sont à la recherche d'une vie meilleure en se réinventant un univers, un au-delà, une spiritualité<br /> parfois...<br /> <br /> <br /> Prendre conscience du bienfait de ses valeurs est long, difficile car, je pense, développer une forme nouvelle de sensibilité, de vision du monde, nécessite<br /> une certaine éducation et la politique actuelle ne va pas vraiment en ce sens...<br /> <br /> <br /> Message un peu pessimiste sur l'actualite mais je crois toujours en monde meilleur possible.<br /> <br /> <br /> Bon week-end<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Ce blog a été créé par un étudiant en histoire et sociologie de l'Université du Havre. Il propose des articles allant du travail universitaire (exposé, compte-rendu...) à l'analyse spontanée de l'actualité... Il est donc à la fois objectif et subjectif, partial et impartial, méritant la plus grande prudence concernant les analyses de l'actualité notamment car elles sont parfois politiquement orientées.
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