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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 13:03

 

Hegel est un philosophe pour lequel je voue, il est vrai, une certaine admiration. Réduire sa pensée au simple tryptique : thèse, antithèse, synthèse, donne une fausse image de l'érudit allemand. La thèse permet d'expliquer, l'antithèse ouvre le débat, et la synthèse permet de critiquer, de faire le point. Arcésilas et Jaurès ne sont pas loin. Tout deux sont favorable au débat d'idée et au respect de la pensée des adversaires. La philosophie de Hegel se veut global. Il n'est ainsi pas étonnant de trouver l"Esprit, c'est-à-dire le Tout, la totalité de la connaissance en quelque sorte. Il y a trois formes d'Esprit : l'esprit objectif (la sociologie), l'esprit subjectif (la psychologie, la théorie de la connaissance) et l'esprit absolu (la philosophie, la religion et l'art). Pour Hegel, le problème c'est qu'il définit l'Esprit d'un peuple comme étant la nation. Il est facile de faire le rapprochement avec le nationalisme et dire de l'érudit allemand qu'il est précurseur des totalitarismes du XXe siècle. C'est bien sûr un racourci dangereux et totalement infondé. Certains intellectuels dénués d'esprit critique comme Onfray, sont à l'affut de ces faiblesses et de ces racourcis. Ils fondent leur thèses sur ces bases et se proclament comme des précurseurs affirmant LA VERITE sur nos penseurs d'antan. Hegel n'a pas échappé aux faux érudits d'aujourd'hui et cela est bien triste.

 

Pour Hegel, un peuple est une nation, et le principe d'une nation est quelque chose de naturel. Ainsi, un peuple a une existence naturelle. Ensuite, Hegel nous explique que chaque peuple possède un (ou plusieurs) principe(s) auquel(s) il s'attache. Au lieu de promouvoir le totalitarisme, il prône la diversité des peuples. Certes, cette pensée donne aux peuple Prussien une existence naturelle, c'est-à-dire que, comme la France ou l'Espagne, la Prusse est aussi légitime à proclamer son droit d'exister que tout autre "nation" européenne. Pour avoir une légitimité, un peuple doit poursuivre un but et s'y tenir. Si l'on en croit Zemmour dans Mélancolie française, le but de la France fut de ressembler, de reconstruire même, l'Empire romain. Pour Hegel, comment se traduit cet Esprit des peuples, cette pensée en quelque sorte ? Par la religion, par l'art, par la science... par tout ce qui est immatériel au départ en fait. La spiritualité, la création, la découverte. Finalement, "ce principe, explique Hegel, est en lui-même d'une grande richesse et se manifeste de multiples manières, car l'Esprit est vivant et actif. Il est aux prises avec le travail de production de soi-même. Il est le principe unique qui se manifeste dans toutes les actions et orientations du peuple, qui parvient à se réaliser, à jouir de soi-même et à se connaître".

 

Dire d'un peuple qu'il est déterminé naturellement à dominer les autres, est une grave dérive que Hitler n'hésite pas à reprendre dans Mein Kampf. Hegel met en garde contre cela et il n'est pas favorable a une telle affirmation. Un peuple se caractérise par une pensée construite, concrète, mais indépendante des autres peuples. De ce fait, et assez ingénuement, Hegel rend impossible la domination du pensée "nationale" sur une autre pensée "nationale". Se réveil ici l'idée et le concept d'identité nationale. Partant du principe qu'un peuple, c'est-à-dire une nation (qui n'a pas le même sens aujourd'hui qu'au début du XIXe siècle), possède une pensée "nationale", Nicolas Sarkozy en conclut que cela confère une identité, une union de pensée en quelque sorte. Or, c'est là que le concept d'identité nationale sonne faux et s'avère dangereux. La France a connu ses heures de gloire aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle. La peinture, la littérature, la philosophie française sont des références en Europe. Le milieu intellectuel cherchait à connaître l'Esprit du peuple français et en cela, selon moi et moi seul, la Révolution de 89 en est l'aboutissement. "Un peuple, explique Hegel, progresse dans sa propre réalité : il connaît une phase de développement, puis le déclin." Le mot culture apparaît comme étant à la base de la formation de l'Esprit. Le principe de l'universalité de la culture ne signfie pas qu'un peuple peut imposer la sienne au nom de ce même principe. Cela est contraire à la pensée des Lumières et à la philosophie hégélienne. En fait, l'universalité c'est l'accès à l'éducation pour tous. Jules Ferry, avec sa loi sur l'école laïque, gratuite et obligatoire, reste dans cet esprit de diffusion "universelle" de la culture. 

 

"L'homme cultivé est celui qui sait donner à tout aspect de son activité la marque de l'universalité. Il est celui qui a renoncé à sa particularité et agit selon des principes universels. La culture manifeste la pensée. Cela signifie donc que l'homme sait se contenir, qu'il n'agit pas seulement sous l'impulsion de ses tendances et de ses désirs, mais qu'il se prend en charge. Il peut considérer l'objet dans son indépendance et acquérir l'habitude de la théorie." L'homme cultivé ne fait rien d'autre que chercher ce qui est, c'est-à-dire la vérité. Arcésilas et Jaurès, encore une fois, ne sont pas loin. Finalement, et c'est un peu ce que fait le philosophe, l'homme cultivé cherche à comprendre sans forcément juger, sans nécessairement repousser, la pensée d'autrui. Or, qui font les gouvernements européens actuellement ? Ils repoussent l'Islam car il fait "peur", car il donne l'impression de fouler aux pieds la culture de chacune de ses nations appartenant à l'Union européenne. L'Islam ne remet nullement en cause les principes même de ces nations. Certaines mosquées n'ont plus qu'une séparation symbolique entre les hommes et les femmes, et même un Immam femme exerce aux Pays-Bas. En Iran, cela serait impossible. La plupart des musulmans français respectent les lois, les codes de conduite, l'histoire du pays, sa culture en général. Il exerce simplement une religion qui possède, comme le Christianisme d'ailleurs, ses valeurs, son histoire et ses dérives. Le scandale des prêtres pédophiles est aussi grave à mes yeux que l'endoctrinement des kamikazes islamistes. Les deux choses étant couverte par la hiérarchie. Les Immams appelant à la guerre sainte contre l'Occident, sont aussi coupable que les évêques qui laissent des prêtres commettre des crimes sur des enfants.

 

La culture porte la marque de l'universel. Développer son Esprit, revient pour un peuple à développer sa culture. Pour mettre en évidence l'universalité de l'Esprit, il faut qu'un peuple soit disposé à le faire. Sans cette disposition, il réduirait ses chances de survit. Hegel parle d'aptitudes. C'est la forme subjective de l'Esprit, c'est-à-dire la forme sociale si l'on admet l'interprétation de Simmel. Arrive ensuite une phrase choc comme Hegel est capable d'en sortir de son esprit pensant : "L'Esprit d'un peuple est savoir." Concrêtement, cela signifie qu'un peuple connaît, et la connaissance est importante, ce dont il est capable. La Révolution française n'est, ni plus ni moin, que la résultante de ce constat. C'est la mise en pratique de la pensée élaborée les siécles précédant. Hegel était un admirateur de la Révolution française, ne l'oublions pas, car pour lui sa théorie bénéficait d'un laboratoire grandeur nature. Il sera déçut, car il y eut ensuite les dérives que l'on connaît, dû, je pense, à l'immaturité des dirigeants de l'époque. Hegel souligne d'ailleurs qu'il y a souvent une différence entre ce qu'un individu pense et ce qu'il fait. Il en va de même pour un peuple entier, pour une nation. Hegel remet vite les choses au point : "Les peuples valent ce que valent leurs actes. Et leurs actes traduisent leurs buts." Lourd reproche qu'il adresse aux nations occidentales et notamment à la France. L'humanisme prôné par la France, les droits de l'homme, ne se traduisent plus dans les actes. L'Esprit est sans cesse en activité, et se reposer sur le passé, c'est-à-dire sur l'inactif, c'est prendre le risque de se perdre totalement. 

 

Hegel explique pourquoi un pays tel que la France se sent menacé par l'Islam. En effet, ce qui forme un peuple c'est sa religion, son culte, ses us et coutumes, ses arts, sa constitution, ses lois politiques, ses institutions et ses faits et ses actes. C'est cela que Nicolas Sarkozy appel identité. C'est pour ça que l'expression identité nationale est creuse de sens puisque identité et nation veulent dire la même chose. Hegel emploie le mot "sentiment". Il est donc difficile de traduire en mot ce qu'un indivu ressent comme étant naturel en quelque sorte. L'appartenance à un peuple c'est une réalité qui n'est pas de l'ordre du matériel, mais qui est de l'ordre de l'immatériel. Celui qui veut intégrer un peuple différent du sien "doit s'approprier cette réalité substantielle afin qu'elle façonne sa manière de penser et d'agir et lui permette de devenir lui même quelqu'un." Le problème, c'est que "l'Esprit du peuple est un individu naturel. En tant que tel, il connaît la floraison, manifeste la plénitude, décline et meurt." Or, c'est là qu'est le véritable traumatisme qui touche chaque peuple européen. En effet, la plupart d'entre eux sont dans l'avant dernière phase avant la mort, c'est-à-dire le déclin, et cela depuis un siècle et demi. Seul les Etats-Unis ont une longueur de retard car ils sont entré dans la seconde phase, c'est-à-dire manifestation de la plénitude. Ainsi, comme une civilisation, un peuple (une nation et sa culture) est périssable, mortel. Cela ne signifie pas que la France disparaisse. Non. La France est un Etat, une institution à part entière. Seulement, avec la naissance de l'Union européenne, c'est peut être la floraison d'un peuple européen auquel nous assistons. Le peuple français deviendrait européen et la France, comme le Texas ou la Californie, garderait sa culture propre, mais comme étant un maillon, un élément, constitutif d'un ensemble plus large. Aux Etats-Unis il y a eu des républiques indépendantes, une guerre civile (opposant deux cultures différentes) et finalement un compromis fédéral, comme en Allemagne. L'Allemagne, et Hegel est bien placé pour le savoir, pendant longtemps a été constituée d'Etats indépendants mais obéissant à une même autorité : l'empereur. Aucun allemand d'aujourd'hui ne dira, mise à part quelques extrémistes, qu'il pense un conflit possible entre la Saxe et la Bavière. En France, qui imagine un conflit entre la Bretagne et la Normandie encore possible ? Personne assurément. 

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commentaires

G
<br /> Hegel était un grand philosophe. Il avait la niaque... Visionnaire ? Je n'irais pas jusque-là !<br /> <br /> Bien à toi.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Hegel est un philosophe qui m'a toujours attiré... Je ne sais pas pourquoi... Au lycée, il y avait des livres de lui, et j'en ai lu deux, des pavés... je n'y<br /> comprenais pas grand chose, mais bon, aujourd'hui, avec un peu plus d'esprit critique et de méthode, je peux éclairer sa pensée... <br /> <br /> <br /> <br />

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  • : La Crise des Consciences
  • : Ce blog a été créé par un étudiant en histoire et sociologie de l'Université du Havre. Il propose des articles allant du travail universitaire (exposé, compte-rendu...) à l'analyse spontanée de l'actualité... Il est donc à la fois objectif et subjectif, partial et impartial, méritant la plus grande prudence concernant les analyses de l'actualité notamment car elles sont parfois politiquement orientées.
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