Cet article est extrait de mes cours de sociologie de l'année universitaire qui c'est achevée début juin 2010. Je m'excuse auprès des lecteurs si le niveau paraît élevé. Bien sûr, j'accepte les questions pour ceux qui en auraient.
Il est élève de l’Ecole Normale Supérieure dont il sort agrégé de philosophie. Il devient enseignant, en France puis en Allemagne. Il va chercher à institutionnaliser la sociologie. Sa démarche, le holisme, va se mettre en place tout au long de sa carrière. Il s’intéresse au départ à la notion de solidarité dans sa thèse, De la division du travail social (1893). Sa démarche, qui est empirique, c’est-à-dire qu’elle repose sur l’expérience, se décompose en quatre étapes : définir, classer, expliquer et prouver.
L’idée principale de sa thèse est que l’évolution des sociétés modernes se caractérise par une division du travail de plus en plus poussée. Pour Durkheim, la division du travail n’est pas un obstacle à la solidarité. Sous l’influence du progrès, les sociétés passe d’un type de solidarité à un autre. Les sociétés à solidarité mécanique évolue ainsi vers des sociétés à solidarité organique.
Ø Solidarité mécanique : Les individus diffèrent peu les uns des autres, adhèrent aux mêmes valeurs, mais ils reconnaissent le même sacré. La société paraît cohérente au premier abord. Les sociétés « primitives », sans écritures ou traditionnels, sont des sociétés à solidarité mécanique.
Ø Solidarité organique : Ce sont les sociétés modernes. Les individus possèdent chacun une fonction sociale précise. La société apparaît comme étant moins cohérente qu’une société à solidarité mécanique.
Durkheim est surtout celui qui va donner une base théorique à la sociologie avec Les règles de la méthode sociologique (1895). Ce que l’on fait, ce que l’on pense, c’est un état de société. Dans son livre, il s’intéresse à la notion de fait social. Pour lui, le fait social est extérieur à l’individu et s’impose à nous de manière coercitive (implicite ou explicite).
La mode est-elle un fait social ? Elle est implicite, mais il n’y a pas de règle précise. L’individu peut-être déviant, mais cela à ses risques et périls. Il y a un risque de sanction social. Le fait social, pour Durkheim, est donc un objet propre aux sociologues. Ce n’est pas biologique ou psychologique.
Ce qui fait l’individu est un acte social. La société totalise des sentiments individuels. Il y a un très fort déterminisme chez Durkheim, et donc un fort holisme. Il faut faire la différence entre le normal et le pathologique. Il n’y a pas de société parfaite. Un autre livre suit de peu les règles de la méthode, et donne, si l’on veut, une illustration de la théorie. Il s’agit de son étude sur Le suicide (1897).
Le suicide (1897)
Mais qu’est-ce que le suicide ? Il s’agit de l’acte de désespoir d’une personne qui ne tient plus à vivre. En sociologie, il faut éviter le jugement de valeur, mais ici il doit partir de la pré-notion. Il s’agit de la pré-notion du désespoir, c’est-à-dire toute mort qui résulte médiatement ou immédiatement d’un acte positif ou négatif effectué par l’individu. Un acte positif ou négatif renvoie au juridique.
Un acte négatif, c’est le suicide par inaction, comme le refus de manger par exemple. Pour qu’il y ait suicide, il faut que la victime soit consciente de l’acte qu’elle commet, et il faut que l’acte se conclu par la mort de l’individu. Durkheim exclut de ce fait le suicide des animaux ou des fous.
Pour étudier le suicide, il va s’intéresser aux statistiques. Il ne veut pas savoir pourquoi les gens se suicide. Il écarte le psychologique et le collectif. Non. Il s’intéresse à la réussite de l’acte par l’individu en pleine connaissance de cause. Durkheim réfute les influences cosmiques, génétiques et climatiques.
Il utilise la notion de taux de suicide. Pour lui, il y a une différence de nature et non de degré entre deux suicides. Le suicide, c’est une réalité à part entière, c’est une réalité nouvelle. Le Tout n’est pas égal à la division des parties. D’une année sur l’autre, le taux de suicide reste stable. On peut prévoir le nombre de suicide. Ainsi, Durkheim peut affirmer que le suicide est un fait social.
Par quoi se caractérise-t-il ? Les hommes se suicide plus que les femmes, les vieux plus que les jeunes, le jour plus que la nuit, au printemps plus qu’en hiver, en ville plus que dans les campagnes, etc. Les femmes se suicide moins grâce à la famille. Durkheim, pour l’explique, utilise la comparaison.
à Conclusion : Les enfants protègent du suicide, même si certaines personnes sont plus fragiles que d’autres. La famille, ou la perspective d’en fonder une, protège l’individu et plus particulièrement la femme. Les hommes pauvres se suicides moins que les hommes riches. Pour Durkheim, c’est l’idée que la pauvreté protège du suicide. Aujourd’hui, cela est démenti. Avant, les pauvres étaient plus solidaires entre eux et la pauvreté était moins stigmatisant.
Durkheim compare ensuite le taux de suicide au sein des trois religions monothéistes importantes à son époque : le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme. Toutes, elles condamnent le suicide. Pourtant, les Juifs se suicide moins, les Protestants plus. Ce n’est pas le fait de changer une loi qui va améliorer le social. Durkheim constate simplement que les Juifs sont bien intégrés et donc ils se suicide moins.
Il y a deux thèmes qui ressortent de cette typologie : l’intégration ou le contrôle social par excès ou par défaut. Si par défaut, la société ne se contrôle pas assez, on constate une augmentation du taux de suicide.
Les formes élémentaires de la vie religieuse (1912)
Durkheim, qui s’intéresse aux travaux de Smith, écrit en 1912 Les formes élémentaires de la vie religieuse. Il n’accepte pas que la religion soit un ensemble de superstitions car elle repose sur des bases réelles. Pour lui, les représentations religieuses sont un type particulier de représentation collective.
Ce sont les Lumières écossaises qui influencent indirectement Durkheim. La religion, au XVIIIe siècle, est devenue un objet de curiosité et de questionnement. En tant que philosophe, Durkheim ne peut ignorer les débats qui ont eu lieu à l’époque. Descartes, Newton, Leibniz ou Spinoza ont donné leur interprétation de Dieu, ont cherché à lui trouver (ou non) une place.
Si Dieu n’est pas universel il n’est peut-être pas nécessaire. On ne remet pas en cause pour autant l’existence d’un Être supérieur. Durkheim, à son tour, ne remet pas en cause l’existence du sacré, mais il le ramène à ce qu’il est, c’est-à-dire un produit de la société.
Le sacré exprime symboliquement la société. L’hypothèse est forte. Pour le démontrer, il décide d’étudier l’élément le plus primitif, le plus simple et le plus ancien possible. Durkheim considère qu’il est plus simple d’étudier les traits fondamentaux de la religion. Il s’agit du totémisme chez les aborigènes d’Australie. Une religion, explique t-il, doit être claire, simple à la source, afin d’en tirer des traits généraux.
Il refuse de croire que la religion est un ensemble de phénomènes surnaturels. Les primitifs aborigènes ne pouvaient pas connaître un ordre naturel des choses puisqu’ils ne connaissaient pas la science. De ce fait, si l’on danse pour faire pleuvoir, on ne peut pas parler de quelque chose de surnaturel.
Pour Durkheim, on ne peut pas non plus centrer la religion sur un dieu, car il existe des religions sans dieux (le bouddhisme ou le judaïsme).
C’est dans l’opposition entre le sacré et le profane que l’on trouve la naissance du phénomène religieux. Croyances et pratiques unissent en une même communauté morale, tous ceux qui y adhèrent. Il se base sur deux critères :
Ø Le sacré opposé au profane : « Les choses sacrés sont des choses interdites, tenus à distance des choses profanes. Le sacré est inaccessible à l’être profane. » – Durkheim.
Ø Existence d’une communauté appelée église : Durkheim insiste sur une foi qui doit rester commune, autour d’une force que les fidèles éprouvent au travers d’une expérience collective. Ce sont les pratiques régulières du culte.
Les aborigènes vivaient selon deux phases distinctes :
1)à une phase de travail dite profane.
2)à une phase de fête (corrobori) pendant laquelle ils se retrouvent plusieurs jours de suite. L’effervescence collective apparaît et permet l’émergence de phénomènes nouveaux qui vont donner lieu au sacré.
Cette effervescence groupale, comme le dit Durkheim, peut se matérialiser dans un objet ou une personne. C’est cette force collective qui donne le totémisme. Le sacré est totalement séparé du profane. Même des phénomènes qui n’ont rien de religieux procèdent selon un processus identique. La Révolution française, par exemple, met en avant la patrie et sacralise la force du drapeau, symbole fédérateur. (à cf. Mauss et le Potlatch)
L’élément important, c’est donc la communauté. Pour se rappeler, il faut que les individus mettent en place un certain nombres de rites. Ces rites permettent de rentrer en contact avec la divinité, cimentant ainsi le moral du groupe.
Il y a deux sorte de rites :
Ø Les rites positifs (les fêtes ou les commémorations).
Ø Les rites négatifs (un sacrifice par exemple).
à Il ne faut pas non plus manger, détruire certaines choses dites sacrés.
Durkheim nous explique que tout ce que nous connaissons procède du même processus, que ce soit dans le domaine du droit, de la religion, etc. Cette dualité entre sacré et profane est certes contraignante, mais elle est toutefois nécessaire. Durkheim montre même que la science a des origines religieuses. On a foi en la science comme on a foi en n’importe quoi d’autre.
L’idée de Durkheim est de créer une religion séculière, sans dieux. Pour avoir affirmer cela, il a été très vivement critiqué par la droite, par les conservateurs. Sa pensée a en effet des points faibles, mais pas celui-là. Il réduit la religion des aborigènes sans entrer dans sa complexité et sa distinction entre sacré et profane il semble la rattacher aux religions monothéistes, et donc non à toutes les religions. En cela, sa sociologie des religions est faible car elle passe à la trappe une bonne partie de l’histoire religieuse de l’humanité.