Carte de Venise au XVIe siècle
« Ce qui a eu raison de Venise, ce sont les routes du monde qui se déplacent lentement de la Méditerranée à l'Atlantique ; ce sont les États nationaux qui grandissent. Dès le XVIe siècle, Venise se heurte à ces corps épais : l'Espagne, la France, l'une et l'autre avec des prétentions impériales ; plus encore surgit l'Empire turc, colosse d'un autre âge, mais colosse, contre lequel elle s'épuisera. »
Fernand Braudel
Les élites marchandes de Venise possèdent un ensemble vaste de pouvoirs en contrôlant notamment les institutions publiques et en gérer les activités économiques. Le commerce maritime de Venise est réputée dès l'époque médiévale. C'est à la fois une organisation publique – avec les galères marchandes – et à la fois secteur privée – par l'indépendance des armateurs dans la pratique de leur activité. Ce dernier secteur va se renforcer à la fin du XVe siècle. Le gouvernement vénitien est très centralisé. Le système urbain en est le reflet. Les territoires sont en effet hiérarchisés, centrés sur les paroisses. Les lieux de pouvoirs sont le Rialto et Saint-Marc. Dans le port du Rialto, à la fin du moyen-âge, les réseaux de commerçants étrangers sont nombreux. Ils viennent chercher du travail et des perspectives de s'enrichir. L'économie à l'échelle mondiale apparaît et Venise joue un rôle de premier plan grâce aux grands marchands-entrepreneurs mais aussi grâce aux petits artisans et aux hommes de peine. Tout le monde a du travail à Venise y compris celui venu d'ailleurs. Cette tolérance, à la fois politique, sociale et religieuse est un fait unique dans l'histoire européenne de l'époque. Bien sûr, la concurrence entre les Vénitiens et les étrangers étaient fréquent.
La magistrature judiciaire, la Giustizia Vecchia, avait pour fonction d'enregistrer les contrats de travail. L'État joue un rôle important dans les relations entre maîtres et apprentis. Les filles et les garçons ont un traitement égale en fonction du travail exercé. Au milieu du XVe siècle se pose la question du ravitaillement de la ville. La demande en viande augmente et entraîne des conséquences importantes sur la pratique du métier de boucher. En 1301, le secteur de la boucherie, « métier » institué, est ouvert à la concurrence des marchands de bestiaux ou des patriciens. Les registres de concessions d'étals des marchés de Saint-Marc et du Rialto montrent bien cette mutation au XVe siècle. C'est un exemple de métier. Il y en a d'autre. Entre le XVIe et le XVIIe siècle les femmes lettrées – elles sont fort peu – vont dénoncer l'inégalité existante avec les hommes concernant l'accès aux études. Il est très difficile pour une femme d'écrire à Venise alors que cela semble déjà plus simple en France, par exemple. Elles regrettent la violence de la société à leur égard. Anna Bellavitis s'intéresse à la dot des femmes lors du mariage. Contrairement a beaucoup de sociétés européennes de l'époque la femme pouvait disposer de sa dot lorsqu'elle se remarie. Dans la bourgeoisie, les femmes disposent même du droit de désigner leurs héritiers et choisissent souvent leurs filles. Toutefois, une fille mariée pour la première fois, devient propriétaire de sa dot mais c'est son mari qui obtient sa gestion et son usufruit.
Au début du XVe siècle, la classe dirigeante de Venise cherche a créer un État dans le nord-est italien. Ce territoire se fonde sur les traditions municipales, les statuts et les lois existantes dans les villes aux mains de la république. Des élites nouvelles apparaissent avec pour valeurs la richesse et le talent professionnel. Cela remet en cause le statut de l'aristocrate avec une redéfinition des liens entre le pouvoir central et le pouvoir local. La société patricienne vénitienne du XVIe siècle est basée sur l'honneur et sur les liens du sang. La violence, au XVe siècle, fut chose courante, avec des meurtres et des insultes appelant des meurtres et des insultes. La justice de Venise parviendra à remettre de l'ordre mais non sans mal. Les valeurs de l'aristocratie sont aussi celles de l'amitié et de l'affection.
Au XVIIe siècle, en tout les cas, la population vénitienne connaît une régression. Elle passe de 188 970 habitants en 1607 à 137 867 en 1696. Cela peu s'expliquer par la peste de 1630. En 1633, la population était descendue à 102 243 personnes. Pour Venise, le XVIIe est le « siècle de la crise » contrairement aux autres pays européens. Décidément, la république ne fait pas comme tout le monde !
La place Saint-Marc par Canaletto (1697-1768)