Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 mars 2011 5 18 /03 /mars /2011 19:33

La crise dans les banlieues d'octobre 2005 à janvier 2006 a surpris par la violence de la réaction gouvernementale (police déployée, couvre-feu instauré...) m'ouvrant les yeux sur une réalité bien plus complexe que l'on ne croit. Impliqué dans la lutte contre le contrat premier embauche (printemps 2006) et dernièrement contre la réforme retraites (automne 2010) j'écrivais sur mon blog une série d'articles sur le “malaise” des jeunes. Je me demandais notamment pourquoi les jeunes lycéens ont saccagés un couloir de l'université sans aucune considération en hurlant des slogans contre notre président de la république. Le lien avec les banlieues peut paraître surprenant alors qu'il n'a rien d'anodin. En effet, en 2005 ce sont des “jeunes” qui ont été à l'origine des émeutes (deux d'entres eux tués dans un transformateur électrique et les autres qui se révoltent contre la police). Il n'y aurait donc pas de ghettos en France comme il n'y aurait pas de pauvres disait sans honte un Balkany il y a quelques années. Et pourtant, Didier Lapeyronnie, tout en réfutant une sricte ressemblance avec les ghettos américains, c'est-à-dire comme le pense Robert Castel un territoire ethniquement homogène et vivant en quasi-autarcie, pense qu'il est le résultat d'un processus en réponse à une situation sociale, raciale et sexuelle. Il y aurait même un paradoxe du ghetto urbain, à la fois subie et à la fois choisie, à la fois une “cage” et un “cocon”. L'appartenance sociale, ethnique et de genre font du ghetto une juxtaposition de mondes articulés entre eux.

 

Si l'on en crois Lapeyronnie c'est dans les années 80 que la question des banlieues est devenue “médiatique”. Dans son étude, il essaie de repérer et de comprendre les mécanismes permettant la formation du “ghetto” dans les banlieues françaises de ce début de XXIe siècle. Pour lui les problèmes demeurent ainsi que les tensions sociales et raciales. Les médias n'aident d'ailleurs pas à clarifier une réalité sociale des plus complexe à comprendre pour un étudiant havrais résidant dans la paisible ville côtière qu'est Fécamp. Didier Lapeyronnie, avec les exemples de l'émeute des Minguettes en 1981, celle du Mas du Taureau en 1990 et celle du Mirail en 1998, distingue trois phases qui conïncide avec l'évolution de la société française. Ainsi, dans les années 80, la première phase va de paire avec “la fin du monde ouvrier, de ses protections et formes d'organisations” (p.5) mais aussi, comme le montre François Dubet dans La Galère, jeune en survie, de ses capacités politiques, nous assistons à un “retour des classes dangereuses” marquées par la “galère”. Dans le tournant des années 90, ce sont les “violences urbaines” qui s'accentue en même temps que se met en place la période des “classes moyennes paupérisées”. Le vide politique et la subite croissance économique va engendrer des frustations et la constitution d'une “culture jeune” plus ou moins déviante. De fait, depuis une dizaine d'années, nous assistons à la “fermeture” des quartiers populaires de moins en moins ouvert vers l'extérieur. L'autarcie n'est bien sûr pas un phénomène généralisé mais les trafics et les économies souterraines se sont multipliés. La vie associatives, très forte dans les années 80 a connue un recul conséquent. Lapeyronnie en conclu que “la réalité d'une certaine “ghettoïsation” semble s'être imposée dans bien des endroits” (p.5).

 

Dans les villes de provinces, le phénomène de ghettoïsation est plus fort et il est souvent synonyme de ségrégation. Un ghetto urbain, pour Lapeyronnie, c'est, entre autre, l'impossibilité de se déplacer, parfois le sexisme dû a une (re)construction de la vie sociale par les habitants des banlieues sur des valeurs traditionnelles, la pauvreté enfin avec la mise en place d'un système politique “informel”. Son objectif, nous dit-il, est de repérer et comprendre les mécanismes de ce phénomène. Qu'est-ce qu'un ghetto ? Pourquoi le “ghetto” ? Le terme, en France, est polémique. Didier Lapeyronnie parle “d'aveuglement”, dénonce “le faire semblant de ne pas savoir”. Or, il est possible d'adopter une définition plus souple de la notion de “ghetto”. De ce fait, on ne se demande plus pourquoi il y a des différence entre les banlieues et les ghettos américains mais pourquoi les similitudes. Lapeyronnie se pose la question (§2, p.6). Pour y répondre, il emprunte la définition au livre de Kenneth Clark, Ghetto noir. Le ghetto désigne une population qui est reléguée de manière plus ou moins forcée, pour des raisons qui sont indissociablement des raisons raciales et sociales. Le ghetto est donc un ensemble de conduites sociales qui relèvent de la relégation externe et de la construction interne.

 

Plusieurs conséquences sont à tirés du phénomène de ghéttoïsation. Tout d'abord, il engendre de la méfiance des habitants des banlieues à l'égard de la société. Ensuite, il accenture les violences urbaines entre les jeunes et entre les jeunes et les forces de l'ordre. Enfin, il renforce le racisme et le sexisme. La pauvreté, explique Lapeyronnie, rend invisible, c'est-à-dire qu'elle donne l'impression d'une absence d'avenir et d'un enfermement urbain. D'ailleurs, les habitants des banlieues ne se définissent pas comme pauvres voulant être considérés comme étant “dans” la société. En ce sens, Lapeyronnie s'oppose à Loïc Wacquant qui voit le “ghetto” comme une fatalité. Toutefois, le sentiment de rejet est présent et s'explique par la nostalgie d'un passé où vie sociale et vie morale pouvait correspondre. Une perte des repères ? L'image du ghetto, du quartier, est quelque chose d'important et qu'il faut préserver. De fait, il y a de fortes différences entre l'intérieur du ghetto et l'extérieur. Souvent, dans une ville, le ghetto est le quartier qui a une mauvaise réputation, que les médias stigmatises. Wacquant parle de cela, comparant le ghetto à une prison. Cet aspect négatif du ghetto, cette perception de l'extérieur, fait parler de “région morale” par Lapeyronnie.

 

Dans le ghetto, la famille et la rue sont deux aspects essentiels et important pour comprendre la réalité sociale du lieu. Bourdieu en parle fort bien. Un lieu produit un effet. Un lieu renvoie à des représentations, renvoie à des réalités sociales qui vont changer au cours du temps, certes, mais qui vont marquer l'histoire de ce lieu. La famille, l'unité de base de la vie dans le ghetto, est portée par la tradition, par cette tendance à l'éloignement qui lui font penser à une menace venue de la société. Pour se prémunir de cette mauvaise image, les familles vont tenir à préserver leur propre image au sein du ghetto. Est-ce une question d'honneur familial ? Les “bandes” de jeunes garçons appartiennent à ce monde complexe du ghetto. L'attachement à un groupe est nécessaire pour “survivre” pour se sentir exister. C'est une réaction que je trouve personnellement très humaine. Finalement, contrairement aux idées reçues, il n'y aurait pas d'opposition entre les familles et la rue. Il y a même une certaine interconnection. Bref, ce que cherche ces jeunes c'est une reconnaissance, un statut à part entière. Pour analyser, pour comprendre tout cela, Lapeyronnie explique qu'il existe même une morale spécifique, des valeurs propres au ghetto. Cette logique morale porte les normes “honneur” et “réputation”. Les jeunes attachent de l'importance à la réputation du quartier même si parfois il ne comprennent pas l'acharnement de la police à les provoquer où qu'ils souffrent de ne pouvoir aller à la piscine du coin parce qu'elle n'est pas dans leur quartier. La réalité sur le terrain est terriblement plus compliqué qu'on ne le pense au premier abord.

 

L'agression des jeune sur quelqu'un d'autre rentre dans cette logique. Quelqu'un qui n'appartient pas au ghetto, qui se montrerait “immoral”, sera chassé et il sera parfois battu. En fait, c'est un univers social fondé sur des liens forts entres les personnes. L'occupation des cages d'escaliers, emblématique des banlieues, image connu de tous, a pour but de sécuriser le ghetto et de régler les conflits internes ou externes en surveillant les alentours. Bref, la vie du quartier semble se fondée sur les embrouilles entre individus, implicant parfois des “guerres” entre deux ou plusieurs familles. Lapeyronnie pense que le racisme est central. Il y a un blocage culturel et social et l'idée de ne pas être comme les autres est très présente. La mise en place de mécanismes de ségrégation et de discrimination semble se mettre “naturellement” en place. Le rapport entre les hommes et les femmes est terriblement archaïque. Lapeyronnie parle du paradoxe de la féminité : les relations de genre sont moralement acceptable ou non acceptable. La vie sociale s'organise autour du sexe et de la race. Peut-on soulever la question de l'altruisme ? L'importance du rôle social masculin est incontestable avec la mise en avant de la virilité et d'un rôle paternel plus traditionnel que novateur. Bref, il y a un étroit contrôle des femmes et toute les affaires de viols collectif ou de “punition” relève de cette logique.

 

Pour conclure, disons que le ghetto est dotté de règles propres, qu'il n'y a pas d'unification politique, économique et social et que c'est univers remplies de stéréotypes.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : La Crise des Consciences
  • : Ce blog a été créé par un étudiant en histoire et sociologie de l'Université du Havre. Il propose des articles allant du travail universitaire (exposé, compte-rendu...) à l'analyse spontanée de l'actualité... Il est donc à la fois objectif et subjectif, partial et impartial, méritant la plus grande prudence concernant les analyses de l'actualité notamment car elles sont parfois politiquement orientées.
  • Contact

Recherche

Archives