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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 00:48

Une colonie, c'est un territoire placé sous la souveraineté d'un autre État qui l'admnistre directement par des fonctionnaires issus de la métropole. Il ne faut donc pas confondre ce terme avec celui de protectorat, territoire placé sous la dépendance d'un autre État mais qui a gardé son autonomie interne, le plus souvent représenté par un souverain. Nous parlons ici plus spécifiquement des colonies. Les deux aspects de la colonisation que nous retenons ici pour comprendre l'état d'esprit ou les mentalités des acteurs sont l'aspect maritime et l'aspect économique. Toutefois, le soutient des dirigeants politiques n'est pas négligeable et nous ne pouvons pas comprendre l'évolution des échanges sans un aperçu rapide du poid, de l'influence de certains députés à la Chambre.

 

1)Les acteurs nationaux : le “parti colonial”.

 

Il convient de souligner les liens étroits qui existent entre les acteurs locaux et les acteurs nationaux – députés ou ministres – qui influencent la politique “coloniale” depuis Paris à leur profit et au profit de leurs soutiens politiques. Après la défaite française de 1871, les “colonistes”, influent dès 1830, intègrent le “parti colonial” qui devient un groupe de pression très efficace, principal inspirateur d'ailleurs de la politique extérieure du pays entre 1890 et 1911. Eugène Étienne (1844-1921) fut le “chef” de ce “parti colonial” puis du “groupe colonial” de 1891 à 1914. Son influence et le poids du “groupe” à la Chambre des députés est considérable. Les notables marseillais, par exemple, sont parmi les acteurs les plus actifs du “parti colonial”. Pour bien comprendre le poid économique et politique de ce que l'on pourrait qualifier, avec des guillemets bien sûr, de “bourgeoisie d'empire”, il faut être conscient de l'évolution des intérêts français outre-mer et de l'état d'esprit des dirigeants politiques ou des notables eux-mêmes. D'ailleurs, qui dit bourgeoisie dit argent et financement. De fait, àcôté des petites maisons familiales, au modeste capital de 1 à 2 millions de francs (valeur 1938), quelques grandes compagnies approchent ou dépassent les 40 millions de francs de chiffre d’affaires à la veille de la guerre. C'est le cas des familles Ancel ou Raoul-Duval au Havre. De plus, ces grands entrepreneurs d’empire agissent en réseau et ont des participations au capital (c'est-à-dire possèdent des parts de marchés) d’entreprises extérieurs à la ville du Havre (pour continuer sur cet exemple), comme Georges Raverat en Indochine ou Hermann du Pasquier dans la boucle du Niger. De fait, vous l'aurez certainement compris, pour mettre en place une politique économique coloniale et impérialiste il faut de solide relais dans les colonies et notamment parmi les notables présents dans les ports de la métropole.

 

2)Les acteurs locaux : une “bourgeoisie d'empire”.

 

Mais qui sont donc ces notables ? Ce sont en fait les acteurs des échanges avec les colonies. Ils peuvent être commerçants, négociants, armateurs, entrepreneurs ou financiers. Pour bien comprendre le rôle et l'évolution de ces acteurs faisons un tout d'horizon des ports français. Dès les années 1840, les marseillais jouent un rôle important dans l'Océan Indien et les négociants commercent aussi avec les Antilles. Jusque dans les années 1850, certaines familles de commerçants (les Pastré) ou de négociants (les Régis et les Verminck) s'enrichissent. En revanche, Suzanne Roher montre bien que les négociants havrais n'avaient aucunes raisons de sortir du commerce prosper qu'ils entretiennent alors avec les États-Unis (pour le coton du Sud) et le Brésil (notamment le café). De ce fait, ils se désintéressent à peu près totalement des nouvelles colonies africaines et asiatiques. D'autres familles d'armateurs, présentes dans des ports de moindres importance, comme La Rochelle ou Fécamp, vivent de la pêche à la morue et de la contrebande. Après la Première guerre mondiale, pour donner un exemple, le commerce du Havre s'effondre du fait du protectionnisme étasunien. Les relations avec les colonies sont alors presque obligées de s'intensifier afin de compenser le manque à gagner économique. Le résultat de tout cela, dans les années 1920, c'est la constitution, dans les ports du Havre, de Bordeaux, de Marseille ou encore de La Rochelle, de Dunquerke ou de Fécamp, d'une véritable bourgeoisie d'affaires. Toutefois, la crise des années 30 va ruiner la plupart des ports et les bombardements du Havre ou la réquisitions puis le sabotage des infrastuctures notamment à Fécamp ne vont pas arranger les choses après la guerre. De ce fait, l'activité portuaire s'effondre. Toutefois, Marseille et Le Havre sauront s'adapter aux nouveaux marchés, notamment celui des conteneurs. Souvent, seuls les échanges commerciaux sont abordés et peu les échanges humains. En effet, l'immigration a été importante. Toutefois, parler d'immigration coloniale est délicat dans le contexte actuel. Je vais pourtant m'y risquer en y consacrant mon dernier point.

 

3)L'immigration et l'émigration coloniale.

 

Pour bien comprendre qui était ces immigrés et ces émigrants, il faut savoir qu'ils étaient sous la protection internationale de la France en tant que sujets français, mais qu'ils n'étaient pas des citoyens à part entière en regard des droits civils et civiques. Éric Saugera, dans un livre intitulé Bordeaux, port négrier (XVIIIe-XIXe s.), nous dit que “l'émigration indienne vers les colonies d'Amérique fut autorisé en 1852 et aussitôt réglementé. Le capitaine Blanc, qui agissait pour des armateurs nantais, obtint de l'État le monopole du transport et une prime de deux cents cinquante francs par Indien introduit à la Martinique ou à la Guadeloupe.” Le Ministre de la Marine lance même un appel aux armateurs et en 1854, un armateur de Granville, Jacques Le Campion, s'engage à introduire 18 000 Indiens aux Antilles et en Guyane en échange d'une prime gouvernementale de 335 francs par immigrants débarqués. L'année suivante, Le Campion fusionne avec la Compagnie Générale Maritime des frères Pereire à Bordeaux. Leur but était d'associer “tout les peuples dans l'exploitation organisée du globe terrestre que la multiplication des transports réduirait à l'échelle humaine.” En fait, au-delà des belles paroles, les frères Pereire sont ni plus ni moins des spécialistes de l'immigration politique. En 1856, ils tentent de remporter le marché de l'immigration chinoise pour le compte de l'Espagne. Ils partent avec trois avantages : ils sont implantés en Espagne, ils disposent d'un capital important, d'une flotte et d'un savoir-faire. Ils n'obtiennent pas ce marché. La proportion des étrangers et de coloniaux a toujours été inférieure, au Havre, à la moyenne nationale alors même qu’il s’agit d’un port. Si l’on considère le colonialisme comme un système de domination et d’exploitation des territoires dominés par les métropoles, le Havre industriel et négociant y prit sa place, avec une certaine fierté il faut le dire, durant une bonne partie du XXe siècle. Les Havrais s’exportèrent peu, comme individus dans l’Empire à la différence des Marseillais (qui s'installent à l'île Maurice et dans les comptoirs des Indes), des Bordelais ou des Corses. Il faut signaler tout de même l'importance de ce transfer de population des colonies vers la métropole durant la Première guerre mondiale. En effet, environ 500 000 personnes (principalement des africains) ont été recrutés dans l'armée et 377 000 ont été employés dans les usines. Au Havre, nous pouvons citer les heurts entre la population et les travailleurs Algériens et Marocains au cours de l'année 1917.

 

Ce que cette attitude d'hostilité traduit c'est une méfiance de la population à l'égard de ces êtres longtemps considérés comme inférieurs et dont on ne comprenait pourquoi ils dormaient et logeaient dans leur ville, parfois même dans les maisons des havrais parti au front. Cela conduit à s'interroger justement sur les représentations véhiculées à l'époque sur l'empire colonial et sur ses habitants.

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commentaires

S
<br /> <br /> C'est un monde inconnu pour nous les "terriens" de l'intérieur, mais ils ont joué un grand rôle dans l'Histoire. C'est plus facile de lire les vies de Jean Bart, Surcouf, Jehan<br /> Angot et autres mais j'aime bien voir dans les coutûmes, plats et recettes ou costumes, les traces des échanges autour de ces ports. Je m'étais toujours demandé pourquoi la Tourgoule<br /> normande, à base de riz ? et puis Honfleur, l'Orient... de la soie et du cachemire dans les costumes bretons autour de Lorient, toutes ces choses ! <br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Le commerce coloniale... Le café du Brésil, le coton des États-Unis, mais aussi le riz et la morue étaient des produits bien plus normand que Parisien ou<br /> Bourguignon. <br /> <br /> <br /> <br />

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