La sociologie française d'après guerre :
1945 : création de l'Institut National des Études Démographiques
1946 : création de l'Institut National de la Statistique et des Études économiques et du Centre d'Études Sociologiques.
Professeur à la Sorbonne à partir de 1925, Gurvitch (1894-1965) rencontre Halbwachs, Mauss et Lévy-Bruhl. Il créé, en 1946, le Centre d'Étude Sociologiques et fonde la revue intitulée Cahiers Internationaux de Sociologie. Sa carrière est toute tracée. Il est nommé à la chaire de Sociologie de la Sorbonne contre Aron et Stoetzel et devient directeur de l'EPHE. Il écrit en 1947 La sociologie au XXe siècle. Il sera critique du courant fonctionnaliste de Parsons. Il est connu pour sa sociologie de la connaissance (sujet qui m'intéresse). Il pense que toute connaissance doit être comprise en fonction de la réalité sociale. On connaît Les Cadres sociaux de la mémoire, et bien Gurvitch écrit un livre intitulé Les Cadres sociaux de la connaissance. Gurvitvtch n'est toutefois pas le plus connu.
Friedmann (1902-1977) l'est bien plus. C'est un normalien, agrégé de philosophie. Bref, il a le profil “classique” du sociologue du XIXe siècle. Il est influencé par la théorie marxiste et entre au Parti Communiste en 1928. Pourtant, dès 1936, il s'en écarte, plus sceptique sur Staline. Friedmann est surtout connu car considéré comme le Père de la sociologie française du travail. Ilanalyse, par exemple, la question de la qualification, mais aussi celle la guerre ou de la montée du nazisme en Europe... La question de la formation professionnelleest centrale dans ses travaux. Il va montrer que cette montée du taylorisme, de la parcellisation des tâches va entraîner la dégradation des métiers traditionnels et va aboutir à déqualifier le travail. Plus la formation est longue, selon lui, plus l'ouvrier va être qualifié, plus elle sera longue plus cela signifie qu'elle sera solide. L'activité intellectuelle s'en trouve alors réduite.
Ses travaux vont connaître une certaine postérité. La dé-qualification des uns va en fait entraîner la sur-qualification des autres. Braverman pense que c'est une manière, pour la direction d'une entreprise, de reprendre le contrôle de la production. De plus, deux autres sociologues, Schumann et Kern, montrent qu'il y a une re-qualification du travail ouvrier. Pour eux, la qualification est une variation autour d'une norme. C'est ce que l'on appel l'approche substantialiste. Friedmann, laisser l'Institut des Sciences Sociales du Travail et collabora avec Naville au Traité de Sociologie du travail(1961). Son étude Le travail en miettes, publiée en 1956, est une des plus connue de Friedmann. Il parle justement de la déqualification ouvrière dans cet ouvrage. Il reste pessimiste et parle, sans hésiter, de déshumanisation du travail. La thèse de Touraine sur les usines Renault en 1955 en est un héritage certain. Il y a un véritable courant sociologique qui étudie l'évolution du travail ouvrier.
En France, c'est aussi le moment Raymond Aron (1905-1983). Quoi que l'on en dise, son Introduction à la philosophie de l'histoire (1938) reste un outil largement abandonné par les historiens, mais fort utile et passionnant pour y puiser des idées. C'est un puit à idées si j'ose dire. En sociologie, il est aussi utile et La sociologie allemande contemporaine, publiée en 1935, m'a servi notamment pour comprendre Weber dont il est un des premiers à mettre en avant le philosophe allemand. Normalien et agrégé de philosophie, c'est un “classique” du XIXe siècle. Il voyage et enseigne en Allemagne ce qui va le pousser à faire connaître la sociologie d'outre-Rhin en France à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Il critique d'ailleurs le matérialisme historique comme le font Simmel et Weber. De plus, et assez logiquement,il s'oppose à Durkheim. Aron amorce donc une “rupture” avec la théorie holiste et déterministe. Il sera le professeur d'une grande génération d'étudiants, mais l'un fera plus tard parlé de lui : Pierre Bourdieu.
Aron sera un proche du Général pendant la guerre durant laquelle il fonde la revue La France libre. Il va s'intéresser au monde du travail en publiant en 1962 les Dix-huit leçons sur la société industrielle. Il y traite de beaucoup de sujet et relie souvent la sociologie à l'histoire. Est-il un sociologue historique ou socio-historien ? Je pose la question tout à fait sérieusement. Aron devient professeur au Collège de France et occupe la chaire de Sociologie de civilisation moderne. Il publiera aussi Les étapes de la pensée sociologique en 1967.